LA PRESSE DE L’ÉPOQUE
Pour
« C’est un film d’atmosphère particulièrement réussi, dans cette manière minutieusement réaliste que nous connaissons en France à Jacques Feyder de Pension Mimosas et, en Amérique, à King Vidor dans City Street et à William Wyler de Rue sans issue. Et il n’est pas indigne de ses maîtres. » René Bizet – Le Jour – Echo de Paris du 18 décembre 1938
« Carné, Jeanson et Arletty sont les trois principaux responsables du vif succès de ce film qui rencontrera auprès du public la même faveur que Pépé le Moko ou Quai des Brumes, le premier pour sa mise en scène pleine d’idées, de trouvailles adroites et d’atmosphère vraie, le second pour son découpage net du livre de Dabit, son dialogue parfois débraillé, parfois habillé, mais qui porte toujours, la troisième pour l’étonnante création qu’elle a faite d’un rôle sans doute prévu pour Viviane Romance. » Serge Veber – Pour Vous n° 527 du 21 décembre 1938
« Le film de M. Carné ne ressemble en rien à l’admirable roman d’Eugène Dabit, qui était d’ailleurs beaucoup trop statique pour être porté à l’écran. C’est un mélodrame ironique, angoissant, bien agencé, remarquablement cinématographié et miraculeusement joué par Louis Jouvet et Mlle Arletty. » Steve Passeur – Le Journal du 21 décembre 1938
« Hôtel du Nord est un film excellent. Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai personnellement une indigestion du « Milieu » et de la brume gluante qui s’attache à ses ombres. Hôtel du Nord succède au Quai des Brumes comme se succéderaient deux eaux-fortes gravées par la main de M. Marcel Carné pour illustrer deux contes d’auteurs différents cette fois-ci. Le dialogue de M. Jeanson est haut en couleur, truculent, et vous change singulièrement des pauvretés habituelles. » Mezzanine – Mariane du 28 décembre 1938
Avis mitigé
« Il me semble qu’à plusieurs reprises le rythme de ce film s’affaisse, et je crois bien qu’en coupant, ça et là , dans les dialogues surabondants, on arriverait à la perfection souhaitable. Si les personnages sont justes et vraisemblables, ils parlent trop et trop bien. Pagnol fait école… » René Lehmann – L’Intransigeant du 20 décembre 1938
« Mais pourquoi faut-il que de cette œuvre cinématographiquement remarquable, on emporte la même impression de gêne que de Quai des brumes, impression qui nous vient de ce que, ici comme là , on ne nous présente que des échantillons de la plus triste, de la plus basse humanité ? » René Jeanne – Le Petit Journal du 22 décembre 1938
« (…) on ne retrouve pas toujours cette unité, ce rythme que l’on observait dans Jenny – son premier ouvrage – et dans Quai des brumes. Il est vrai que Quai des brumes est un chef-d’œuvre, Hôtel du Nord n’est plus qu’un bon film, et voilà sans aucun doute une restriction qui, pour tant d’autres aurait la valeur d’une louange. D’abord on remarquera que du beau et simple roman du regretté Eugène Dabit il ne reste pas grand chose et l’on ne manquera pas ensuite de faire quelques réserves sur le développement de l’action parfois imprécises, hésitante (…) » André Le Bret – Le Petit Parisien du 24 décembre 1938
Contre
« (…) ce n’est pas la réussite totale, éclatante que nous attendions de Marcel Carné et qu’il nous doit. Je crois bien que le populisme est un genre faux et qui convient encore moins au théâtre et au cinéma qu’au roman. » Jean Fayard – Candide du 21 décembre 1938
« En vérité, je crois que ce n’est pas Hôtel du Nord – l’œuvre curieuse, quoique décousue, d’Eugène Dabit – qui attira M. Marcel Carné, mais bien l’atmosphère du canal Saint-Martin. J’ajoute que l’histoire manque d’intérêt (…) et que nous ne nous attachons ni à ce couple qui veut en finir avec la vie ni à Edmond qui doit avoir quelques crimes à se reprocher. » Pierre Wolff – Paris Soir du 22 décembre 1938
« Ce décor baigné d’ombre, suintant, lézardé, qui se reflète en eau trouble du canal, est une sorte de cage d’écureuil où l’action tourne et retourne sur elle-même – remuant l’air sans jamais le renouveler. Pour créer l’atmosphère et meubler ce cadre dignement, on insiste sur le détail pénible, le mot gras, le geste touchant ou vulgaire… » Jean Laury – Le Figaro du 22 décembre 1938
« (…) le populisme à jet continu finit par être lassant et (…) les belles images, le décor hanté par cafard, ne valent pas une bonne histoire. Le manque d’action est fatalement remplacé par un dialogue, qui devient peu à peu littéraire, donc anticinématographique et long. » Le Matin du 24 décembre 1938
« Le film ne vise rien au delà des images, et celles-ci, du même coup, sont sèches, sans imagination. Les dialogues d’Henri Jeanson sonnent faux dans la bouche d’acteurs qui ne sont pas à leur affaire. Quand l’atmosphère manque le ton « populiste » est insupportable. » « Fauteuil 22 » – La Croix du 25/26 décembre 1938
« Hôtel du Nord tombe dans cette erreur dont le cinéma français peine à se guérir : les acteurs passent leur temps à se raconter eux-mêmes et à analyser leurs états d’âme. Mais le public ne supporte l’éloquence de l’écran que chez les Ministres qui ont un emprunt à lancer. Aux autres personnages de cinéma, il fait confiance. On ne leur demande pas de justifier leurs actions. » James de Coquet – Le Figaro du 28 décembre 1938
« Le livre de Dabit ne contenait rien qui pût fournir matière à un film. Reste à savoir si l’achat, pour quelques milliers de francs, du droit de baptiser un film du titre du titre d’un roman avec lequel il n’a à peu près rien de commun, relève de la philanthropie ou de l’escroquerie. » Denis Marion – La Nouvelle Revue Française du 1er février 1939.