Résumé : Les Soprano, Game of Thrones, True Detective, The Wire, Oz, Deadwood, Boardwalk Empire, Six Feet Under, Rome, True Blood, Sex and the City… Autant de séries novatrices devenues plus cultes que la plupart des films sortis à la même époque des studios hollywoodiens. Comment une petite chaîne du câble, née en 1972 dans l’indifférence générale, est-elle devenue un empire ? Qui sont les créateurs et quelles sont leurs méthodes ? Comment les budgets sont-ils passés de quelques billets à des dizaines de millions de dollars ? À travers un récit au long cours, les témoignages des grands showrunners et de nombreuses anecdotes, ce livre retrace pour la première fois l’histoire de HBO.
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Belle initiative que celle prise par la maison d’édition Capricci : proposer au lectorat français de découvrir la saga HBO, de ses modestes débuts à son apogée en passant par ses moments de doute et sa récente renaissance. Aux commandes, Jean-Vic Chapus, Matthieu Rostac et Axel Cadieux, tous trois journalistes au magazine So Film. Affirmons-le dès notre introduction : le projet a atteint son objectif, et avec brio. Cinq chapitres entrecoupés de plusieurs entretiens avec des acteurs, scénaristes et showrunners, dévoilent l’histoire des créations HBO. « It’s not TV, it’s HBO » clame le slogan de la chaîne, une assertion que confirment les analyses proposées par les trois auteurs. Du modeste canal diffusant des événements sportifs, films d’auteurs et documentaires, la programmation a conservé un tempérament marqué par la liberté de ton et le désir de surprendre le public et la critique. Pari réussi au milieu des années quatre-vingt-dix avec Oz et Sex and the City. Mise en scène soignée, environnements insolites, goût pour l’hyperréalisme, les scènes audacieuses et les dialogues sulfureux convainquent le spectateur lambda comme le cinéphile le plus exigeant. Quelques années auparavant, Dream On avait assuré la rentabilité de cette recette qui continue aujourd’hui de définir l’identité de la chaîne. L’idée d’HBO est claire : sortir des sentiers battus en fournissant au showrunner une pleine autonomie. Les auteurs remarquent sur ce point que le network a contribué à inverser les termes de la sacro-sainte politique des auteurs. Fini le règne autocratique des financiers et des réalisateurs, c’est bien le scénariste qui tire les ficelles de la création télévisuelle, Tom Fontana (Oz) n’hésitant pas à comparer la fonction du showrunner à celle des super-auteurs de la Nouvelle Vague française.
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Mais cette liberté a un prix. Les budgets enflent, les chevilles aussi. Carnivàle souffre de son statut de chef-d’œuvre anticipé, tandis que les co-producteurs de Rome ne peuvent plus suivre les coûts toujours plus élevés de la série. Sans oublier la diffusion d’OVNIs sortis tout droit du cerveau malade de showrunners survoltés et jusqu’auboutistes (l’exemple de David Milch et de John from Cincinnati ou de Luck). À ces différentes crises internes s’ajoute une concurrence de plus en plus rude. L’ouvrage s’attarde ainsi sur ces différentes séries et étudie leurs liens avec le modèle HBO (Mad Men, Breaking Bad, Dexter et cie). Il faut attendre la fin de la décennie deux-mille pour que la chaîne trouve un second souffle. True Detective, Boardwalk Empire, True Blood et, bien sûr, Game of Thrones permettent de reconduire le projet originel du network : détrôner le cinéma, en termes d’audience mais aussi de réussite audiovisuelle.
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Il faut citer sur ce point un programme pas encore mentionné jusqu’alors : Les Soprano dont les trois auteurs décrivent avec soin l’importance dans l’histoire de HBO et de la télévision dans son ensemble. Créée par David Chase et portée par l’acteur James Gandolfini, la série se présente aujourd’hui encore comme un exemple d’excellence à partir duquel toutes les créations de HBO doivent être évaluées. Très documenté, l’essai profite des nombreux entretiens glanés par les auteurs. Les showrunners évoquent les conditions de production de leurs œuvres, reviennent sur l’évolution de HBO, tandis que les scénaristes et les réalisateurs définissent leur statut particulier au sein de la création télévisuelle. Soulignons la présence d’encarts permettant d’y voir plus clair dans la hiérarchie créationnelle des networks. Mais aussi des nombreuses illustrations couleurs qui, en plus d’émailler avec beauté la lecture, permettent de dresser des parallèles formels entre différents plans, qui rendent incontestable le caractère auteuriste émanant des plus grandes séries produites par la chaîne.
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- LA SAGA HBO. L’HISTOIRE DE LA CHAÎNE QUI A RÉVOLUTIONNÉ LES SÉRIES par Jean-Vic Chapus, Matthieu Rostac et Axel Cadieux disponible aux éditions Capricci dans La Collection So Film, depuis le 16 mars 2017.
- 208 pages
- 23 €