Synopsis : Une mère de famille à la recherche de sa fille récemment disparue fait une horrible découverte dans un bois de Long Island où les corps de quatre jeunes filles ont été dissimulés.
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C’est le livre Cinq filles sans importance écrit par le journaliste new-yorkais Robert Kolker qui a inspiré Liz Garbus pour Lost Girls. Disponible depuis le 13 mars sur Netflix, il a initialement été présenté au dernier Festival de Sundance. Le thriller magistralement porté par Amy Ryan (Gone Baby Gone, Birdman) dans le rôle d’une mère à la recherche de sa fille disparue, se base sur l’histoire vraie de prostituées ayant disparu à Long Island entre 2009 et 2010. Cette affaire jamais élucidée aurait pu donner lieu à un documentaire, mais la la réalisatrice spécialisée dans ce domaine, déjà deux fois nommée aux Oscars dans cette catégorie, relève le défi de réaliser son premier long-métrage de fiction en s’inspirant de ces faits réels. Malgré l’adaptation de Michael Werwie, aussi scénariste d’Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, film qui retrace une partie de la vie de Ted Bundy et également produit pour Netflix, la mise en scène réaliste s’apparente au format documentaire. Le périple de la mère qui, face à l’inaction des forces de l’ordre, cherche à faire elle-même justice pour la disparition de sa fille rappelle beaucoup Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance. Néanmoins, Liz Garbus a opté pour une réalisation plus simple et moins stylisée. L’aspect tragique de ces disparitions est constamment présent via l’esthétique à dominante sombre et terne de la photographie aux tons froids d’Igor Martinovic (Le Funambule) qui confère une apparence nébuleuse à l’image. Pourtant, le dénouement évite de basculer dans un mélodrame excessif, en grande partie grâce à l’absence d’émotions surjouées des acteurs convaincants.
Dans ce récit, on suite le quotidien Mari Gilbert (Amy Ryan), la mère de Shannan (Sarah Wisser), l’une des filles disparues, dans son enquête. Ainsi, en décalant l’action sur ses recherches, plutôt que sur les circonstances des disparitions, on découvre une autre facette des difficultés rencontrées par de nombreuses femmes. En plus de la stigmatisation des prostituées, on nous dépeint la vie de mère célibataire qui doit subvenir seule aux besoins de ses enfants et dont la parole est souvent décrédibilisée.
On ressent une volonté de la réalisatrice d’ancrer son œuvre dans le réel afin de faire prendre conscience que, dix ans après les faits, la problématique reste hélas toujours d’actualité. Le mépris et le reniement des travailleuses du sexe continuent à sévir via des mesures prises par les autorités et par l’attitude de la société en général. Il en va de même pour les mères isolées qui se retrouvent trop souvent précarisées. Bien qu’elles aient regagné en visibilité, notamment à travers les mouvements féministes, elles demeurent encore terriblement déniées par nos structures sociales. Ainsi, dans sa représentation réaliste et sobre d’un fait sordide, Lost Girls transmet sa dimension tragique, sans tomber dans l’écueil du drame caricatural.
- LOST GIRLS
- Diffusion : 13 mars 2020
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Liz Garbus
- Avec : Amy Ryan, Thomasin McKenzie, Gabriel Byrne, Oona Lawrence, Reed Birney, Lola Kirke, Kevin Corrigan, Miriam Shor, Sarah Wisser, Austyn Johnson, Molly Brown, Matthew F. O’Connor, Brian Adam DeJesus, Stan Carp
- Scénario : Michael Werwie
- Production : Anne Carey et Kevin McCormick
- Photographie : Igor Martinovic
- Décors : Nicole Montagnino
- Costumes : Marci Rodgers
- Musique : Anne Nikitin