Synopsis : L’incroyable histoire vraie de l’homme qui a infiltré le Black Panther Party. À la fin des années 1960 William O’Neal (LaKeith Stanfield), petit malfrat, accepte de collaborer avec le FBI comme informateur. Au péril de sa vie, il doit infiltrer le Black Panther Party et se rapprocher de son leader charismatique Fred Hampton (Daniel Kaluuya), ciblé par les autorités.
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Alors que la condition noire ne cesse d’agiter l’Amérique post-George Floyd, Judas and the Black Messiah propose un retour salutaire vers ces brûlantes années qui virent se radicaliser puis s’effondrer les espoirs de la lutte pour les droits civiques. C’est dans le Chicago de la fin des années 1960 que prend place l’action du film de Shaka King, narrant l’infiltration de William O’Neal (Lakeith Stanfield) au sein du Black Panther Party. Face à lui, le charismatique Fred Hampton (Daniel Kaluuya) relance les braises de la révolte en cherchant à rallier les différents groupes minoritaires, et politisés, de la ville. Le premier intérêt du film repose donc sur sa valeur historique de son récit. Édifiant sans pour autant souffrir d’un quelconque didactisme, le scénario précise les enjeux de la lutte, expose ses problématiques et ses ambiguïtés. Le travail de sape orchestré par le FBI qui se préoccupait peu de questions morales redouble, comme par réaction, la violence des revendications. Les marches pour la paix ont assez duré et les panthères noires d’Amérique décident de sortir leurs griffes. Difficile de ne pas soutenir leur cause, difficile aussi de ne pas envisager l’impasse vers laquelle devait logiquement aboutir cette escalade de violences. Le soin apporté à la reconstitution des lieux et de l’esprit de l’époque est convaincant, jusque dans les accents de la bande musicale (le morceau Fight For You de H.E.R. ayant été couronné d’un Oscar mérité). Là où Aaron Sorkin avait dans Les Sept de Chicago (2020) privilégié le huis clos du film à procès pour attiser l’embrasement du conflit, Shaka King a de son côté opté pour le caractère spectaculaire de la fresque (plans larges et élégants travellings).
La pauvreté des quartiers noirs de Chicago fait écho aux couleurs froides de la cellule de Hampton. L’emprisonnement est donc total et la ghettoïsation ne concerne plus seulement le cadre géographique de la ville. En représentant l’esprit aliéné des agents du FBI et le sentiment d’injustice qui assaille les combattants de la Liberté, le cinéaste révèle la béance d’une plaie que les décennies suivantes ne parviendront jamais à suturer. Bien plus que dans Seberg (Benedict Andrews, 2019), c’est une sorte d’esprit vériste qui s’empare de la composition du film. Se détachant à bon escient de la mythologie consacrée et de la tentation de la mode rétro, Judas and the Black Messiah reprend à son compte le discours de l’archive. Cet aspect se retrouve d’ailleurs à travers la distribution du film.
Le fraîchement oscarisé Daniel Kaluuya confirme l’étendue de son talent déjà éprouvé dans Get Out (Jordan Peele, 2017) et Queen and Slim (Melina Matsoukas, 2019), exprimant les nuances de son personnage à travers des choix de postures singulières (sa position légèrement penché et son regard en coin). Lakeith Stanfield se présente quant à lui comme la caution fictionnelle du film. Son double-rôle lui permet de recourir à une certaine expressivité qui le voit surjouer la droiture quémandée par sa fonction de Black Panther ou, au contraire, l’attitude sournoise de son rôle de Judas des temps modernes. Avant d’être une leçon d’Histoire, Judas and the Black Messiah se présente comme une production riche d’enseignements concernant la manière de capturer l’originalité d’un moment du passé et de rappeler sa pertinence au regard des événements du présent.
- JUDAS AND THE BLACK MESSIAH
- Diffusion : 28 avril 2021
- Plateforme / Chaîne : Apple TV, iTunes, Amazon Prime Video, Google Play, YouTube, SonyPlaystation, Microsoft Xbox, Rakuten TV, CanalVOD, Bbox VOD, Vidéo Futur, Filmo TV, Freebox, SFR, Universcine
- Réalisation : Shaka King
- Avec : Lakeith Stanfield, Daniel Kaluuya, Jesse Plemons, Dominique Fishback, Martin Sheen, Algee Smith, Ashton Sanders, Lil Rel Howery, Jermaine Fowler, Robert Longstreet…Â
- Scénario : Will Berson et Shaka King, d’après une histoire de Kenny et Keith Lucas
- Producteurs : Ryan Coogler, Charles D. King, Shaka King
- Photographie : Sean Bobbit
- Montage : Kristan Sprague
- Musique : Craigh Harris et Mark Isham
- Durée : 126 minutes