C’est que dans les faits, Stranger Things n’a pas grand-chose à dire, mis à part ce que son succès évoque en lui-même, c’est-à -dire la victoire d’une certaine contre-culture. Si des mentions sont faites de la naissance d’Internet ou du télétravail, elles ne sont perçues que comme des potentialités créatives : le divertissement avant tout. Dans la lignée des productions Netflix, Robin n’est par exemple jamais réellement victime d’homophobie ni Lucas de racisme, alors même qu’ils vivent dans l’Indiana d’il y a trente-cinq ans, un état relativement conservateur.
Les problématiques sociales sont éludées au profit de celles surnaturelles, ce qui accorde à la série une partie de sa charmante candeur. Même les démembrements de la saison 4 ne paraissent pas chercher l’épouvante. Si le traitement de l’URSS n’est pas politique mais folklorique, c’est parce que l’avalanche de références fait écran entre la série et son rapport au réel.
Il ne faut donc pas s’étonner que les frères Duffer présentent les films inspirants Stranger Things comme étant ceux qui les ont marqués lorsqu’ils étaient enfants. C’est une immaturité volontaire qui fonde la série. Nombreuses sont les œuvres qui nous terrifiaient étant petits mais qui, lorsqu’on les redécouvre plus âgé, nous paraissent en fait moins horrifiants. La série des frères Duffer se positionne entre les deux, dépouillée de cette étrangeté terrifiante et ridicule, dans un juste milieu confortable, qui prend les apparences des créatures traumatisantes mais en évacue suffisamment les aspérités pour les rendre accessibles à tous.
Ce sacrifice empêche la série de se hisser au niveau de ses références. Mais c’est aussi cet imaginaire enfantin qui lui permet de se réinventer sans cesse, et bien qu’elle soit loin du génie de Spielberg et de Carpenter, elle surplombe quand même nombre de ses contemporains du divertissement grand public. En témoigne le climax de la quatrième saison, épisode de deux heures et demie d’action ininterrompue et sans temps mort, là où rares sont les productions hollywoodiennes capables aujourd’hui de tenir plus de dix minutes sur du spectaculaire. Comme si, finalement, il fallait revenir au temps où l’on croyait encore sincèrement à la pop culture pour lui rendre ses lettres de noblesse.
Joffrey Liagre
- STRANGER THINGS
- Diffusion : depuis le 15 juillet 2016
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Créateurs : Matt & Ross Duffer
- Avec : Winona Ryder, David Harbour, Finn Wolfhard, Millie Bobby Brown, Gaten Matarazzo, Caleb McLaughin, Natalie Dyer, Charlie Heaton, Joe Keery, Noah Schnapp, Sadie Sink…
- Saisons : 4
- Durée : 35 épisodes de 45 à 60min chacun pour les 3 premières saisons et de 65 à 150 min pour la saison 4
Trailer Saison 4
Extrait Stranger Things 4 – Running up that hill de Kate Bush
Trailer Saison 1