Livre / The Leftovers, le troisième côté du miroir : critique

Publié par Jacques Demange le 14 octobre 2019

Résumé : Inspirée du roman de Tom Perrotta, The Leftovers (2014-2017) est la série héritière de Lost (2004-2010) : les deux œuvres partagent le même showrunner, Damon Lindelof, et peuvent être vues comme les deux faces d’un même disque. Si Lost suivait le destin de disparus après le crash d’un avion, The Leftovers se consacre à ceux qui sont restés derrière à la suite d’un événement singulier et inexpliqué : la disparition soudaine, le 14 octobre 2011, de 2 % de la population humaine. Au sein d’un monde hanté par le doute, le mystère et l’ambiguïté, la série présente des personnages qui pensent parfois avoir compris le sens de leur vie, à tort. Les spectateurs, eux, sont emmenés sur un très grand nombre de fausses pistes, alors que l’évidence est sous leurs yeux. The Leftovers met en scène non seulement la fin de l’humanité, mais surtout le déni des êtres humains devant l’extinction du vivant, dont ils sont eux-mêmes responsables. Dans notre monde en crise, The Leftovers, le troisième côté du miroir interroge la capacité de la fiction à résoudre les maux des humains et à les aider dans les combats à venir.

♥♥♥♥♥

 

The Leftovers - Playlist Society

The Leftovers, le troisième côté du miroir

Remarquée pour l’originalité de sa structure et son atmosphère mélancolique et lancinante, The Leftovers fait partie de ces séries qui semblent maintenir en suspens toute possibilité d’analyse, au risque de se perdre dans les affres de la sur-interprétation subjective. Et pourtant, c’est peut-être ici que se trouve le principal intérêt de ce récit de science-fiction, à l’intérieur de cette personnalisation de la vision qui conduit, comme naturellement, à une prise de conscience de ses propres affects. C’est en tout cas l’approche privilégiée par Sarah Hatchuel, professeure en études cinématographiques à l’université Paul-Valéry Montpellier 3, et Pacôme Thiellement, écrivain et vidéaste, pour la rédaction de ce remarquable essai qui associe à son expertise une ambition de redéfinition de la série télévisée comme un dispositif réflexif, producteur de rencontres et de concordances qui nous captivent et nous animent. Parmi celles-ci, la question du deuil et de l’acceptation de la perte, une expérience partagée par l’ensemble des personnages de The Leftovers et qui interroge notre propre statut de (télé)spectateur. Car cette perte possède un précédent : Lost qui partage avec The Leftovers le même showrunner, Damon Lindelof. De fait, les deux productions sont constamment mises côte à côte selon un réseau de rapprochements et de dissemblances parfaitement éclairé par Hatchuel et Thiellement. Mais ce qui prime ici, c’est la qualité dispersive de The Leftovers. Une dispersion du sens qui explicite l’attention particulière que l’on peut porter à la série. L’enchaînement des événements va de pair avec la résorbation des figures et des dynamiques qui les relient. Ces béances configurent une compréhension poreuse, mise en abyme qui dépasse les limites du petit écran pour s’inscrire au cÅ“ur de notre environnement intime. Animées d’une puissance de désorientation, les trouées spatio-temporelles de The Leftovers stratifient le sens des lectures traditionnelles. Il faut alors féliciter la clairvoyance des deux auteurs qui sans mettre en cause la nature fuyante de leur objet d’étude parviennent à tisser différents prolongements de grande valeur. Ésotérisme de fond et anamorphoses visuelles sont conjointement convoquées pour développer un discours qui ne cesse de revenir sur les singularités et les modèles de la série télévisée. Car au-delà de Lost, Hatchuel et Thiellement distinguent à raison Twin Peaks et le thriller politique des années 1970 comme sources d’influence majeures. Certes, on regrettera que ces développements n’aient pas profité d’un référencement plus synthétique (par le biais d’une filmographie et d’une bibliographie, par exemple), mais ce détail n’enlève rien à la grande sagacité de cette écriture double qui nous entraîne vers ce curieux et fascinant troisième côté du miroir.

 

 

 

  • THE LEFTOVERS, LE TROISIÈME CÔTÉ DU MIROIR
  • Auteurs : Sarah Hatchuel et Pacôme Thiellement
  • Éditions : Playlist Society
  • Collection : Essai/série
  • Date de parution : 14 octobre 2019
  • Format : 160 pages
  • Tarif : 14 € (print) – 7 € (numérique)

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