Résumé : D’Oscar Micheaux à Spike Lee, des race pictures aux cinémas d’avant-garde en passant par la blaxploitation, est-il possible de retracer une histoire du cinéma noir ? C’est le pari de cet ouvrage, qui multiplie les points de vue (critiques, cinéastes, spécialistes) pour proposer une double approche historique et analytique.
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À l’origine de cet ouvrage, il y a la rétrospective « Black Light » organisée par Greg de Cuir Jr., écrivain et programmateur indépendant, en 2019 au Festival de Locarno et consacrée au cinéma Noir du XXe siècle réalisé et produit hors du continent africain. Ce premier aspect éclaire la singularité de cette étude dirigée par Fernando Ganzo, rédacteur en chef du magazine So Film et déjà directeur de l’ouvrage collectif sur Leo McCarey (Capricci, 2018), et qui reprend les prérogatives de la rétrospective de Locarno. Il s’agit en effet d’inscrire la réflexion sur l’être-noir au cinéma selon une logique de la différence. Deux grandes approches, historique et théorique, structurent l’ouvrage qu’accompagnent et prolongent une série d’analyses consacrées à des films en particulier, ainsi qu’un court manifeste relatif à l’instauration d’études du cinéma et des médias noirs. La différence se propose d’écrire une histoire à contre-courant des institutions officielles, révélant des figures, des méthodes de production et d’exploitation injustement oubliées. Le réalisateur Oscar Micheaux, les race pictures ou le courant de la « L.A. Rebellion » tracent des chemins parallèles, porteurs de découvertes et de discours (critiques, politiques, esthétiques) qui font de la marge un territoire, un motif mais aussi un outil d’interprétation. De fait, la question noire dépasse les seules valeurs figuratives pour incarner une authentique méthode d’analyse qui ne cesse de creuser l’écart entre les lignes des normes officielles. Le complexe identitaire (entre mise à l’écart et revendication) se déploie à travers une mise à distance apte à réfléchir les dimensions formelles de la captation cinématographique.
Le noir n’est plus alors seulement assigné à une couleur de peau ou à une problématique raciale mais relève d’une force centrifuge et d’une série de formes éclectiques. Si l’ensemble de l’étude se consacre pour l’essentiel au cinéma américain, les micro-analyses filmiques offrent un panorama élargi de cette cinématographie aux nombreuses consonances. Orfeu Negro de Marcel Camus, La Noire de… de Ousmane Sembène, De cierta manera de Sara Gomez, Frantz Fanon, peau noire, masque blanc d’Isaac Julien et Mark Nash, ou 35 Rhums de Claire Denis prouvent que cette réflexion se défie des catégories des genres et des frontières culturelles. Si l’on regrette l’absence d’une bibliographie qui aurait permis d’insister sur l’apport théorique de cet ensemble, on ne peut que louer la puissance singulière de cette initiative éditoriale.
Entre productions matricielles (Within Our Gates d’Oscar Micheaux, Sweet Sweetback’s Baadasssss song de Melvin Van Peebles), projets expérimentaux (Now Pretend de Leah Gilliam) et œuvres borderline(s) (Coonskin de Ralph Bakshi), cet ouvrage pose et approfondit les bases d’un champ d’études dont on espère de prochains (et de constants) prolongements.
- BLACK LIGHT. POUR UNE HISTOIRE DU CINÉMA NOIR
- Auteur : Fernando Ganzo (sous la direction de)
- Éditions : Capricci
- Date de parution : 28 mai 2020
- Langues : Français uniquement
- Format : 176 pages
- Tarif : 25 € (version print) – 12,99 € (numérique)