Livre / Godard / Machines : critique

Publié par Jacques Demange le 11 décembre 2020

Résumé : Jean-Luc Godard est sans doute le cinéastes dont l’oeuvre a interrogé avec le plus de constance et de lucidité la place des machines dans le monde du cinéma. Mais au-delà de la photogénie de Godard en artisan solitaire, ses films semblent parcourir et interroger sans cesse les liens entre cinéma et machines. Si les relations entre machines et création font l’objet d’une attention particulière, la présence récurrente d’autres machines ne manque pas de susciter l’intérêt des auteurs. Parmi celles-ci, la voiture tient une place très ambigüe, à la fois symbole de la modernité et emblème d’une civilisation des loisirs dont Godard perçoit très vite les limites. Dans le même ordre d’idées, l’omniprésence des appareils d’enregistrement et de diffusion de la musique (tourne-disques, poste de radio) témoigne de l’avènement d’une société de consommation prête à tout pour soumettre la culture au capitalisme le plus débridé. Si la machine permet de penser ensemble techniques et esthétiques, elle nourrit aussi chez Godard, avec une remarquable diversité, une vision politique du monde.

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Godard Machines - livre

Godard Machines – livre

Profuse dans ses pratiques et ses approches du cinéma, l’œuvre de Jean-Luc Godard est toute aussi féconde dans les commentaires (articles, essais…) qui cherchent à en décrypter les enjeux. La première réussite de cet ouvrage dirigé par Antoine de Baecque, historien et critique de cinéma, et Gilles Mouëllic, professeur en études cinématographiques et musique à l’Université Rennes 2, est donc de parvenir à apporter un nouveau, ou plutôt un autre, regard sur la filmographie godardienne. La machine qui constitue la problématique principale de l’étude se présente comme un outil apte à développer cette approche de biais. Motif ou dynamique, la machine s’affirme comme l’une des principales préoccupations du travail de Godard. Il y a bien sûr d’abord la machinerie cinématographique, celle qui rassemble l’ensemble des procédés de la création filmique : la caméra, la table de montage, les appareils de prises de son, ou les mécanismes de post-synchronisation. Certaines contributions cherchent ainsi à mettre en valeur l’attention aigüe portée par le cinéaste à ces différents éléments techniques. Les mentions des caméras et de leurs spécificités prouvent que Godard envisageait le cinéma comme un art de l’image, soit une discipline portée par un héritage et appelée à muter à travers l’adoption de nouveaux supports de création (la bande magnétique des caméras vidéo, puis le numérique et la 3D). Loin de se limiter au seul confort apporté par ces nouvelles technologies, le réalisateur cherche à en interroger les fondements, à vérifier leur originalité en les inscrivant dans un travail de déconstruction qui depuis À bout de souffle fait le prix de son cinéma.

 

L’accord de la création avec la constante mise en cause de sa structure confond la figure du cinéaste avec celle de l’enseignant et du commissaire de l’exposition. Comme le premier, Godard dissèque, analyse, comme le second il agence, dirige, recompose les objets dont il souhaite préserver l’essence. C’est alors le portrait d’un artiste pointilliste et méticuleux que dresse l’ouvrage, bien loin de l’image d’Epinal souvent renvoyée par la presse généraliste. Si Godard a quelque chose d’instable et entretient devant les journalistes une ambiguïté à travers la formulation d’assertions aussi simplistes qu’implacables, c’est pour mieux déranger ses certitudes de cinéaste installé.

 

La mise en chantier de Moi je, projet de film inabouti, la conception totale du 300e numéro des Cahiers du cinéma, les choix de mise en page imposés pour l’édition de son Introduction à une véritable histoire du cinéma, ou la vaste fresque formée par ses Histoire(s) du cinéma, sont finement étudiés et mettent en relief la personnalité bigarrée de Godard. Héritier des surréalistes autant que de l’historien de l’art Aby Warburg, le cinéaste annonce la mobilité trans-médiatique qui traverse aujourd’hui l’art contemporain. La machine se aussi voit confrontée à ses mises en image. La question de l’objet devient crucial se déclinant sous la forme de la voiture ou des éléments d’un bar dont l’ouvrage rappelle les multiples définitions offertes par le cinéma godardien.

 

Félicitons par ailleurs les différents retours sur l’apport sonore et musical de sa filmographie trop souvent oublié ou mésestimé par les critiques et essayistes qui ont cherché à se confronter à cette œuvre toute entière bâtie sur la forme des images et des machines qui leur prêtent vie. Un dernier mot, enfin, sur la belle mise en page des éditions Yellow Now qui n’ont pas hésité à agrémenter les contributions de nombreuses illustrations (captures d’écran et images d’archive) d’excellente qualité.

 

 

 

  • GODARD / MACHINES
  • Auteurs : Antoine de Baecque et Gilles Mouëllic (sous la direction de)
  • Éditions : Yellow Now
  • Collection : Yellow Now / Côté cinéma
  • Date de parution : 20 novembre 2020
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 264 pages
  • Tarifs : 24 €

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