Candyman de Nia DaCosta : critique

Publié par Jacques Demange le 28 septembre 2021

Synopsis : Anthony McCoy, artiste, vit à Chicago, avec sa femme, directrice d’une galerie d’art. En panne d’inspiration, il découvre la légende de Candyman. Il commence à s’en inspirer pour ses peintures. Cela va faire ressurgir en lui un passé sanglant. Il va peu à peu perdre la raison.

♥♥♥♥♥

 

Candyman - affiche

Candyman – affiche

L’annonce d’un remake de Candyman avait de quoi susciter les attentes et les appréhensions. Sorti en 1992, le film de Bernard Rose se proposait comme une belle adaptation d’une nouvelle de Clive Baker (romancier, scénariste et réalisateur britannique principalement connu pour son roman Hellraiser qui donna naissance à la franchise horrifique du même nom). Narrant l’histoire d’un revenant afro-américain affublé d’un crochet et tourmentant les habitants d’un ghetto de Chicago, le film parvenait joliment à associer aux codes du slasher une description sociale qui prenait pour cible la condition des Noirs aux États-Unis. Sans aller jusqu’au plaidoyer politique, Candyman semblait lancer les premières étincelles d’un brûlot ambitieux mais dont les prétentions furent rapidement douchées par ses deux suites (réalisées en 1995 et 1999) qui préférèrent s’engouffrer dans la brèche du surnaturel plutôt que d’enrichir la valeur critique du désormais célèbre tueur à la peau d’ébène. Ce nouveau Candyman semble d’abord vouloir corriger cette erreur. Coscénarisé et coproduit par Jordan Peele, qui avec Get Out [2017] et Us [2019] s’est affirmé comme le grand représentant d’un nouveau cinéma d’horreur américain stylisé et engagé, et mis en scène par la réalisatrice Nia DaCosta (révélée en 2018 avec son premier long métrage Little Woods), le film reprend à son compte les principales problématiques sociétales de son modèle. Réactualisée, la figure de Candyman condense les enjeux d’une Amérique qui peine à dépasser les traumatismes de sa violence originelle. C’est d’abord l’architecture des lieux qui porte les stigmates de cette crise intérieure. L’urbanisme du Chicago contemporain a cherché à effacer les traces de sa ghettoïsation passée. L’hypocrisie du discours officiel est trop sensible pour passer inaperçue aux yeux d’Anthony McCoy (Yahya Abdul-Mateen II), peintre afro-américain, qui inspiré par l’ancienne légende du tueur au crochet décide d’en faire le sujet d’un dispositif artistique.

 

Candyman de Nia DaCosta

Candyman de Nia DaCosta

 

Il n’en fallait pas plus pour que l’esprit vengeur reparte à l’attaque et réouvre les plaies d’une histoire que d’aucuns auraient préféré oublier. L’intelligence du film est donc d’avoir su s’adapter aux nouvelles données de son époque (le mouvement Black Lives Matter en premier lieu, mais aussi la perte progressive d’une mémoire communautaire et culturelle) sans pour autant trahir l’esprit de ses origines. Cet enjeu se constitue en fait comme l’une des composantes essentielles du scénario.

 

Car Candyman ne se contente pas de donner un second souffle à la légende mais interroge les déterminismes mêmes de son existence. Qu’est-ce qu’un mythe, de quoi se nourrit-il et comment parvient-il à survivre ? À cette question centrale, c’est la conception d’ensemble du film qui tente d’apporter une réponse. Le recours fréquent au miroir, territoire naturel du tueur, convoque une subtile réflexion sur la relation du modèle et de son double à la fois déterminée par le mimétisme et la possibilité d’un dépassement.

 

Candyman de Nia DaCosta

Candyman de Nia DaCosta

 

Sur ce point, le propos de Candyman n’est pas sans rappeler celui de Brian De Palma et de Paul Schrader dans Obsession (1976) qui faisait de sa principale source d’inspiration (le Vertigo d’Hitchcock) la matière d’un discours plus général sur la nature de l’adaptation. Les cloques purulentes qui recouvrent les bras d’Anthony avant de s’étendre à l’ensemble de ses membres métaphorisent cette réflexion en décrivant le processus d’une mue à la fois physique et filmique.

 

Entre la préservation de l’empreinte et la nécessité de sa restauration, le film de DaCosta assume ses références tout en assurant l’originalité de sa démarche. C’est tout un pan de l’histoire du cinéma d’horreur américain que convoque la mise en scène de la réalisatrice. Du recours au hors-champ à l’exposition franche des effets gore, Candyman concilie l’art suggestif du classicisme (reflets et ombres chinoises) avec le geste démonstratif des grands maîtres des années 1970 et 1980 (coulées d’hémoglobine et corps éviscérés).

 

Candyman de Nia DaCosta

Candyman de Nia DaCosta

 

C’est à l’œuvre de Wes Craven que semble le plus sûrement se référer le film. Le jeu des cadres dans le cadre, l’instauration de dispositifs faisant de l’image ou de l’écran les principaux catalyseurs de l’horreur rappelle la manière du regretté réalisateur des Griffes de la nuit et de Scream. Comme chez ce dernier, c’est la plasticité de la surface qui semble intéresser DaCosta, lacérant communément les toiles et les corps qui font face à sa caméra. Digne héritière, la réalisatrice ne s’affirme pas moins comme l’un des plus solides espoirs du renouveau de l’horreur contemporaine au cinéma. Sans délaisser la sidération des effets spectaculaires, sa mise en scène les enrichit d’une conscience qui renforce le genre d’une lucidité amère mais non moins combattive.

 

L’âme de Candyman se voit ainsi sauvée. À la fin du film, le tueur semble singer le comportement d’un super-héros prêt à libérer la parole des victimes et des exclus de la société. Un clin d’œil au futur projet de DaCosta, The Marvels, dont la date de sortie est prévue pour novembre 2022 ? Au regard de la qualité du présent film, on ne peut que l’espérer.

 

 

 

  • CANDYMAN
  • Date de sortie : 29 septembre 2021
  • Réalisation : Nia DaCosta
  • Avec : Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett, Colman Domingo, Vanessa A. Williams, Tony Todd, Rebecca Spence, Christiana Clark, Cassie Kramer, Brian King, Kyle Kaminsky
  • Scénario : Nia DaCosta, Jordan Peele, Win Rosenfeld (d’après la nouvelle, « The Forbidden » de Clive Barker)
  • Production : Ian Cooper, Jordan Peele, Win Rosenfeld
  • Photographie : John Guleserian
  • Montage : Catrin Hedström
  • Musique : Robert A. A. Lowe
  • Décors : Cara Brower
  • Costumes : Lizzie Cook
  • Distribution : Universal Pictures International France
  • Durée : 1 h 31

 

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