American Ultra de Nima Nourizadeh: critique

Publié par Charles Amenyah le 19 août 2015

Synopsis : Une comédie d’action à propos de Mike Howell dont la vie paisible et sans ambition avec sa petite amie Phoebe se retrouve soudainement chamboulée. À sa grande surprise, Il est en fait un agent dormant surentraîné dont la mémoire a été effacée. En un clin d’œil, son passé refait surface et Mike se retrouve au milieu d’une opération gouvernementale visant à l’éliminer. Il va alors devoir faire appel à ses capacités insoupçonnées d’agent secret pour survivre.

 

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American Ultra - poster

American Ultra – poster

Après Projet X, son premier long-métrage explosif, Nima Nourizadeh nous livre un nouvel ovni cinématographique entre teen movie sanguinolent, chasse à l’homme musclée et critique corrosive des méthodes de gouvernance américaines. Le récit, écrit par Max Landis, fils de John, nous fait suivre d’abord la romance de Mike Howell (Jesse Eisenberg) et de Phoebe (Kristen Stuart), qui passent le plus clair de leur temps à consommer de l’herbe et des champignons. Caissier dans un commerce dépourvu de clients, le jeune homme tente d’écrire un roman graphique sur un singe super héros, qui n’a pas la moindre chance d’être publié. Sans qu’il le sache, Mike est un agent de la CIA. Alors qu’une horde de tueurs surentraînés se dirige vers la ville sans histoire où vit Mike, Lasseter (Connie Britton) réactive les facultés latentes de son ancien élève. Le passé enfoui émerge à nouveau et Mike se retrouve pris au sein d’une opération gouvernementale dont il est visiblement la clef. S’ensuit une débauche de fusillades et d’explosions qui, à défaut d’être très crédible, est assez bien maîtrisée. Nourizadeh ne donne pas vraiment dans le réalisme, en témoignent des scènes d’action ahurissantes où des balles ricochent sur des poêles et où un adolescent malingre tient en échec des hordes de soldats aguerris. Le rythme est haletant et tout est fait pour disperser le spectateur, lequel est noyé sous une pluie de feux d’artifices et d’effets sonores. L’excès et l’abus se retrouvent également à des niveaux plus thématiques. Excès de négligence de la part de la jeunesse oisive, abus de pouvoir des générations précédentes. John Leguizamo, qui campe un dealer, semble faire la jonction entre ces deux mondes qui s’affrontent. Si Eisenberg incarne l’enfant qui grandit trop vite, Leguizamo renvoie davantage à l’adulte qui n’a pas voulu évoluer.

 

Jesse Eisenberg et Kristen Stewart dans American Ultra

Jesse Eisenberg et Kristen Stewart dans American Ultra

 

American Ultra dépeint un monde carnavalesque où tout est inversé : les glandeurs se tendent soudain vers un but, les fumeurs de narcotiques ont des réflexes super développés et les bureaucrates pétochards décident du sort des agents de terrain. À cela s’ajoute un côté burlesque totalement assumé. Avant de se découvrir des aptitudes cachées, Mike – touchant de gaucherie et de confusion – cultive malgré lui l’art de l’échec, entre job abrutissant, addiction à la drogue et crises d’angoisse. American Ultra projette ce jeune homme paisible et peu sûr de lui dans la violence du monde des adultes. À cet égard, l’agent interprété par Topher Grace symbolise un père impitoyable, tandis que Lasseter incarne la mère bienveillante. Les disputes de ces deux personnages antagonistes ressemblent effectivement à celle d’un couple. Jesse Eisenberg joue admirablement l’adolescent confus. Mais aussi trop juvénile, il n’est pas toujours très crédible dès qu’il s’agit de réveiller l’agent qui sommeille en lui ; même Gena Davis dans Au revoir à Jamais (The Long Kiss Good Night) a plus la tête de l’emploi. Un jeu intelligent et plein de nuances donc, mais auquel il manque l’aspect inquiétant que l’on retrouve chez toute machine à tuer digne de ce nom.

 

La réflexion menée sur l’identité reste intéressante. L’esprit de Mike est mis à si rude épreuve qu’il en vient sérieusement à se demander s’il n’est pas un robot. On découvre que se sont les destins qui choisissent les hommes, et non l’inverse. Il s’agit de devenir soi… mais cette identité ne peut être conquise que dans une origine qui nous échappe totalement. Finalement, à défaut de pouvoir véritablement décider qui ils sont, les protagonistes conservent une légère emprise sur ce qu’ils font. Mais American Ultra contrebalance habilement ce déterminisme en suggérant que chaque individu recèle plusieurs identités interchangeables à volonté. On comprend mieux pourquoi le physique des différents personnages correspond si peu à leur condition. Tous sont des agents mais ils sont vêtus comme des employés de bureau, des mères au foyer, ou des adolescents lambda. Même les tueurs, qui pourchassent les deux héros, ressemblent davantage à des junkies qu’à des membres des forces spéciales.

 

John Leguizamo et Jesse Eisenberg dans American Ultra

John Leguizamo et Jesse Eisenberg dans American Ultra

 

La dépossession de soi-même et l’instrumentalisation de l’esprit humain sont aussi abordés à travers le thème de la manipulation médiatique. American Ultra nous met en garde contre les dérives nominalistes de la télévision ; il suffit de lancer une information pour qu’elle devienne vraie, indépendamment de la réalité visible. Ceci est particulièrement frappant lorsque qu’un faux renseignement visant à calomnier Lasseter (elle copulerait avec des singes !) est diffusé puis repris par toutes les bouches. Naturellement, l’utilisation des nouvelles technologies est interrogée : des objets-espions au satellite qui peut voir jusqu’à la couleur des lacets. Globalement, le monde d’American Ultra s’avère sans issus. Mais si les nouvelles technologies nous rendent constamment visible à l’œil de l’ennemi, les objets du quotidien apparaissent comme nos meilleurs amis. Le moindre ustensile de cuisine est une arme mortelle. Les objets de demain se présentent donc contraignants tandis que ceux d’hier sont d’un grand secours.

 

De manière plus générale, la chaleur (un tantinet abrutissante) du monde intime se heurte à la froideur implacable de l’officiel et de l’officieux. L’enjeu pour les personnages étant de pénétrer dans cet univers plein de bruit et de fureur sans renier leurs sentiments ni perdre leur innocence. L’amour entre Jesse Eisenberg et Kristen Stuart se dévoile à l’épreuve des balles. Face à eux se dresse une légion d’adversaires déterminer à les tuer. Mais cet assaut, bien loin de détruire leur amour, finit par le sublimer en faisant d’eux des êtres accomplis. Finalement, American Ultra suggère à la jeunesse oisive que de la contrainte, aussi lourde qu’elle puisse paraître, naît de l’épanouissement.

 

Jesse Eisenberg et Kristen Stewart dans American Ultra

Jesse Eisenberg et Kristen Stewart dans American Ultra

 

Mais l’œuvre est loin d’être une fable didactique. On a souvent l’impression de visionner un clip très long, plein de clins d’œil et de références à la pop culture. Une succession de plans qui nous rapproche d’avantage de la bande dessinée que du cinéma ; cela est en un sens assumé puisque les rêveries intimes de Mike portent sur son roman graphique. Mais ce primat de l’image sur la cohésion narrative et les dialogues plonge le film dans la surenchère d’effets visuels au détriment du message. En outre, American Ultra est parfois trop désireux de plaire au plus grand nombre, avec ce sentiment d’un coup marketing dont la cible serait la foule hétéroclite des adulescents. Revient ici la logique carnavalesque : American Ultra fait grandir les uns et régresser les autres. Deux adolescents sont projetés dans un monde impitoyable et enjoints de grandir. À l’inverse, les adultes lancés à leur trousse se révèlent être de grands immatures. Assez riche par ces thématiques mouvantes, American Ultra reste agréable à voir ne nous laissant aucune seconde d’ennui. Le résultat final est donc propre même si souvent trop confus ; c’est ce qui arrive aussi lorsqu’on privilégie le contenant au contenu.

 

 

 

  • AMERICAN ULTRA réalisé par Nima Nourizadeh en salles le 19 août 2015.
  • Avec : Jesse Eisenberg, Kristen Stuart, Topher Grace, Connie Britton, Walton Goggins, John Leguizamo, Bill Pullman, Tony Hale…
  • Scénario : Max Landis
  • Production : Anthony Bregman, David Alpert, Kevin Scott Frakes, Britton Rizzio, Raj Brinder Singh
  • Photographie : Michael Bonvillain
  • Montage : Andrew Marcus
  • Décors : Richard Bridgland
  • Costumes : David C. Robinson
  • Musique : Marcelo Zarvos
  • Distribution: Metropolitan FilmExport
  • Durée : 1h39

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