Hostiles de Scott Cooper : critique

Publié par Sévan Lesaffre le 14 mars 2018

Synopsis : En 1892, le capitaine de cavalerie Joe Blocker est contraint d’escorter Yellow Hawk, chef de guerre Cheyenne mourant, sur ses anciennes terres tribales. Ils rencontrent Rosalee Quaid, seule rescapée du massacre de sa famille par les Comanches. Façonnés par la souffrance, la violence et la mort, ils ont en eux d’infinies réserves de colère et de méfiance envers autrui. Sur le périlleux chemin qui va les conduire du Nouveau-Mexique jusqu’au Montana, les anciens ennemis vont devoir faire preuve de solidarité pour survivre à l’environnement et aux tribus qu’ils rencontrent.

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Hostiles - affiche

Hostiles – affiche

Avec Hostiles, Scott Cooper, réalisateur de Strictly Criminal, Les Brasiers de la Colère et Crazy Heart, s’essaie au western et explore avec virtuosité un nouveau versant de l’Amérique. Le film débute par la citation de l’auteur D.H. Lawrence : « l’Américain a par essence une âme, dure, sévère, stoïque » qui introduit une ouverture sanglante sur le meurtre de la famille Quaid. Rosalee (Rosamund Pike), terrifiée et abasourdie, assiste impuissante au massacre et survit. Cette première scène bouleversante à l’intensité d’un climax, emporte le spectateur dans un tourbillon dont la brutalité et la violence le tiendront en haleine jusqu’au dénouement. Ici, Cooper dépeint un monde mais surtout un paysage hostile, en instaurant une dialectique entre survie et nature. Les corps des comédiens, littéralement poussés au bord du gouffre, semblent nourris par les étendues sauvages rappelant en permanence leur extrême fragilité. Hostiles, par sa lumière somptueuse, intensifie la beauté brute des paysages ; les fondus enchainés diluent les protagonistes dans les grands et majestueux espaces du Nouveau Mexique et du Colorado qui évoquent notamment La Prisonnière du Désert (1956) de John Ford. Les silhouettes et leurs contours sont magnifiées par la sublime photo de Takayanagi. De plus, l’utilisation du clair-obscur récurrente durant les scènes de nuit, transfigure ces entités occupant des territoires à la fois mystiques et ancestraux. Cette longue marche à travers les espaces désolés des États-Unis rend d’ailleurs hommage à l’oeuvre photographique d’Edward Curtis, un anthropologue ayant documenté les populations amérindiennes. 

 

Rosamund Pike - Hostiles

Rosamund Pike – Hostiles

 

Le western se transforme de minute en minute en un drame haletant. En effet, Hostiles est aussi un film sur la souffrance et les sacrifices nécessaires pour devenir un bon soldat. Cette mise en scène du conflit intérieur laisse la place à l’ambiance pesante et aux nombreux silences entrecoupant les dialogues qui constituent toute la courbe émotive du film. Ainsi, les fondus au noir ponctuent et referment les séquences dramatiques tandis que les puissants accords de la musique de Max Richter appuient la tension déjà palpable entre les ennemis. Christian Bale (American Psycho, 3h10 pour Yuma, The Big Short) incarne avec brio Joseph Blocker, soldat tiraillé entre son devoir et sa conscience, se voyant confier l’escorte du chef Yellow Hawk (Wes Studi), qu’il ne peut refuser. Rosamund Pike (Gone Girl), quant à elle, est magistrale et démontre l’étendue de son talent en interprétant la pionnière dépossédée et traumatisée par l’injuste massacre introductif. Le récit de cette conquête de l’Ouest moderne est également bouleversé par l’arrivée de nouveaux personnages, tous condamnés, les uns après les autres, au postulat de fantômes (notons Ben Foster dans le rôle du sergent Wills ainsi que l’apparition éclair de Timothée Chalamet dans celui de Philippe DeJardin).

 

Christian Bale - Hostiles

Christian Bale – Hostiles

 

Chez Cooper, la question de la mort est liée au paysage, à l’idée même d’immensité ; il s’agit d’une fatalité, d’une certitude qui noie l’individu dans l’espace. Les personnages n’ont plus que leur foi, « habitués » à porter leur « fardeau » et le poids de leur culpabilité. Ce traitement lyrique et profondément humain du martyre des Amérindiens s’apparente à un parcours initiatique puisque le voyage va progressivement rapprocher les deux hommes. Le cinéaste ne prend pas parti mais décortique en profondeur la complexité du thème du racisme et des relations entre les blancs et les « sauvages ». À l’instar d’Impitoyable de Clint Eastwood, Hostiles propose une réflexion sur l’identité américaine et son rapport à l’espace, à la terre, à la question raciale et au pays dans son ensemble. Si la dernière séquence évoque brièvement 3h10 pour Yuma (1957) de Delmer Daves, l’avant-dernière scène, qui se conclut par une poignée de main entre Blocker et Hawk, transcende un homme vengé, enfin libre. Le soldat redevient civil et surtout un brave homme aux yeux de tous.

 

Sévan Lesaffre

 

 

 

  • HOSTILES
  • Sortie salles : 14 mars 2018
  • Réalisation et Scénario : Scott Cooper
  • Avec : Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi, Adam Beach, Ben Foster, Jesse Plemons, Rory Cochrane, Jonathan Majors, Thimothée Chalamet,…
  • Production : Ken Kao, John Lesher, Scott Cooper
  • Photographie : Masanobu Takayanagi
  • Montage : Tom Cross
  • Décors : Donald Graham Burt
  • Costumes : Jenny Eagan
  • Musique : Max Richter
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 2h13

 

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