La 46e cérémonie des César s’est déroulée le vendredi 12 mars à l’Olympia à Paris. Une édition marquée par le triomphe d’Adieu les cons, la comédie grinçante d’Albert Dupontel, qui remporte 7 trophées dont celui du meilleur film et de la meilleure réalisation. Une cérémonie hors-norme avec en toile de fond un secteur culturel en colère et des salles de cinéma fermées depuis le 30 octobre.
Cette 46e cérémonie a voulu faire oublier l’édition 2020 et être le reflet du renouveau de l’Académie, accusée de sexisme et d’entre-soi. Oui, elle avait pour ambition de sortir les César de la crise. Crise au sein même de l’Académie, crise de la précédente édition, crise sanitaire, crise du secteur culturel… Résultat de l’opération sauvetage : mitigé. Malgré tout le talent de Marina Foïs, maîtresse de cérémonie, et de ses complices de plumes, Blanche Gardin et Laurent Lafitte, la soirée a rarement décollé, et leur humour est souvent tombé à plat.
Pour autant, les premières récompenses témoignent d’une ouverture à la diversité, en sacrant meilleurs espoirs les acteurs noirs Fathia Youssouf (Mignonnes) et Jean-Pascal Zadi (Tout simplement noir) dont le discours très engagé a fait prendre à la soirée une tournure très politique. L’humoriste Fary, qui a ensuite remis le César du meilleur décor, s’en est fait l’écho en évoquant la place des acteurs noirs dans le cinéma et à la télévision. L’actrice Jeanne Balibar, quant à elle, a dénoncé le sexisme dans le cinéma.
Mais au cœur des préoccupations, ce sont avant tout l’absence de visibilité pour la réouverture des salles et l’inaction du gouvernement envers le secteur culturel qui ont été mises en cause par les remettants et récipiendaires.
Beaux gagnants et grands absents
À l’inverse des Oscars, les César ont décidé de faire concourir uniquement les films sortis en salle en 2020. Environ 120 films seulement ont donc été éligibles aux nominations, soit moitié moins que l’année précédente.
Pour la première fois de sa carrière, Albert Dupontel a enfin décroché le César du meilleur film pour Adieu les Cons. Après un bon démarrage en salle avec 700.000 spectateurs en neuf jours, l’exploitation du film s’est brutalement interrompue à cause de la crise sanitaire. Ce qui n’a pas empêché cette satire sociale hier soir d’enchaîner les récompenses : meilleur second rôle masculin, meilleur réalisateur (déjà obtenu pour Au revoir là-haut), meilleur scénario, meilleure photo, meilleur décor et même meilleur César des lycéens. Dupontel, qui ne se rend plus à cette grand-messe du cinéma français, a laissé la place à sa productrice Catherine Bozorgan pour les récupérer sur scène.
Autre œuvre couronnée, Adolescentes de Sébastien Lifshitz. Le long métrage tourné à Brive, centré sur le parcours d’Emma et Anaïs pendant cinq ans, a reçu trois récompenses : meilleur film documentaire, meilleur son et meilleur montage. Il faut saluer l’effort de Tina Baz, qui a compilé plus de 500 heures de rush en (seulement) plus de deux heures à l’écran.
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret, qui a remporté le prix du meilleur film français 2020 du Syndicat français de la critique de cinéma, est le grand absent du palmarès alors qu’il partait favori avec treize nominations. Il n’a décroché qu’un seul César, celui de la meilleure actrice dans un second rôle. De même, François Ozon avec Eté 85 (12 nominations) est reparti bredouille pour la deuxième fois.
La Ministre de la Culture dans le viseur
Dans son discours d’ouverture, Marina Foïs n’a pas manqué d’égratigner la Ministre de la Culture Roselyne Bachelot en retraçant cette année noire du cinéma marquée par la crise sanitaire. Impossible de voir les réactions de la Ministre, présente, mais pas dans la salle en raison du protocole sanitaire. Stéphane Demoustier en a fait de même, au moment de recevoir le César de la meilleure adaptation pour La Fille au bracelet. Le cri de détresse du secteur culturel a également été relayé par deux intermittents du spectacle, représentants de la CGT, qui ont évoqué l’occupation des lieux culturels dans plusieurs villes.
Mais c’est surtout la comédienne Corinne Masiero qui a fait preuve d’audace dans une performance « Femen ». En soutien au secteur de la culture en crise, elle est allée jusqu’à ôter son costume de Peau d’Âne et sa robe Carrie ensanglantée pour se retrouver nue sur la scène afin de remettre le prix du meilleur costume. Sur son corps était écrit : « No Culture, No Future » et au dos « Rends-nous l’art Jean ! ».
« No culture, no future. »
L’intervention (dé)culottée de Corinne Masiero en soutien aux intermittents. #César2021 pic.twitter.com/Uhd8ibEfgj
— CANAL+ (@canalplus) March 12, 2021
Hommages et émotions
Cette soirée a quand même eu son petit lot d’émotions. Que ce soient les traditionnels hommages rendus aux artistes disparus comme Jean-Pierre Bacri, décédé en janvier, Michel Piccoli, ou encore Jean-Claude Carrière, mais aussi le délicat message de Jean-Louis Trintignant aux nommés dans la catégorie Espoirs.
Des moments de plaisir, avec la montée sur scène de la troupe du Splendid pour recevoir ses César d’Anniversaire. Un temps fort du souvenir, avec Sami Bouajila lorsqu’il a reçu le César du meilleur acteur pour Un fils : « J’ai souvent l’impression que les rôles nous choisissent plus qu’on ne les choisit (…). On a tourné le film dans le désert de Tataouine, à quelques kilomètres de la frontière libyenne. Là où, dans les années 1940, mon père alors âgé d’une dizaine d’années traversait clandestinement cette même frontière avec son père pour rejoindre le village de mon grand-père, que je n’ai jamais connu. » Et le joli discours de Laure Calamy, meilleur actrice dans Antoinette dans les Cévennes qui a rendu un hommage touchant à sa réalisatrice Caroline Vignal et à l’équipe du film.
Reste que cette 46e cérémonie, avec ce formidable orchestre – atout principal -, est à l’image de notre époque où le message politique et social tend à prendre le pas sur la création artistique proprement dite. Finalement, ce n’est plus du 7ème art dont il est question, et c’est bien dommage, parce qu’on a soif de culture et de cinéma.
Odile Lefranc
PALMARÈS CÉSAR 2021
MEILLEUR FILM
- Adieu les Cons
- Adolescentes
- Antoinette dans les Cévennes
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Été 85
MEILLEURE RÉALISATION
- Albert Dupontel pour Adieu les Cons
- Maïwenn pour ADN
- Sébastien Lifshitz pour Adolescentes
- Emmanuel Mouret pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- François Ozon pour Été 85
MEILLEURE ACTRICE
- Laure Calamy dans Antoinette dans les Cévennes
- Martine Chevallier dans Deux
- Virginie Efira dans Adieu les Cons
- Camélia Jordana dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Barbara Sukowa dans Deux
MEILLEUR ACTEUR
- Sami Bouajila dans Un Fils
- Jonathan Cohen dans Énorme
- Albert Dupontel dans Adieu les Cons
- Niels Schneider dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Lambert Wilson dans De Gaulle
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE
- Fanny Ardant dans ADN
- Valeria Bruni Tedeschi dans Été 85
- Émilie Dequenne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Noémie Lvovsky dans La Bonne épouse
- Yolande Moreau dans La Bonne épouse
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE
- Edouard Baer dans La Bonne épouse
- Louis Garrel dans ADN
- Benjamin Lavernhe dans Adolescentes
- Vincent Macaigne dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Nicolas Marié dans Adieu les Cons
MEILLEUR ESPOIR FÉMININ
- Mélissa Guers dans La Fille au Bracelet
- India Hair dans Poissonsex
- Julia Piaton dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Camille Rutherford dans Felicita
- Fathia Youssouf dans Mignonnes
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
- Guang Huo dans La Nuit venue
- Félix Lefebvre dans Été 85
- Benjamin Voisin dans Été 85
- Alexandre Wetter dans Miss
- Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir
MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL
- Albert Dupontel pour Adieu les Cons
- caroline Vignal pour Adolescentes
- Emmanuel Mouret pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Filippo Meneghetti, Malysone Bovorasmy pour Deux
- Benoît Delépine, Gustave Kervern pour Effacer l’Historique
MEILLEURE ADAPTATION
- Olivier Assayas pour Cuban Network
- Hannelore Cayre, Jean-paul Salomé pour La Garonne
- François Ozon pour Été 85
- Stéphane Demoustier pour La Fille au Bracelet
- Eric Barbier pour Petit Pays
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
- Christophe Julien pour Adieu les Cons
- Stephen Warbeck pour ADN
- Mateï Bratescot pour Adolescentes
- Jean-Benoît Dunckel pour Été 85
- Rone pour La Nuit venue
MEILLEUR SON
- Adieu les Cons
- Adolescentes
- Antoinette dans les Cévennes
- Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Été 85
MEILLEURE PHOTO
- Alexis Kavychine pour Adieu les Cons
- Antoine Parouty, Paul Guilhaume pour Adolescentes
- Simon Beaufils pour Antoinette dans les Cévennes
- Laurent Desmet pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Hichame Alaquié pour Été 85
MEILLEUR MONTAGE
- Christophe Pinel pour Adieu les Cons
- Tina Baz pour Adolescentes
- Annette Dutertre pour Antoinette dans les Cévennes
- Marital Salomon pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Laure Gardette pour Été 85
MEILLEURS COSTUMES
- Mimi Lempicka pour Adieu les Cons
- Madeline Fontaine pour La Bonne épouse
- Hélène Davoudian pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Anaïs Romand, Sergio Ballo pour De Gaulle
- Pascaline Chavanne pour Été 85
MEILLEURS DÉCORS
- Carlos Conti pour Adieu les Cons
- Thierry François pour La Bonne épouse
- David Faivre pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait
- Nicolas de Boiscuillé pour De Gaulle
- Benoît Barouh pour Été 85
MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE
- L’aventure atomique
- Baltringue
- Je serai parmi les amandiers
- Qu’importe si les bêtes meurent
- Un Adieu
MEILLEUR FILM D’ANIMATION
Pour le court métrage
- Bach-Hông
- L’heure de l’Ours
- L’odyssée de Choum
- La tête dans les orties
Pour le long métrage
- Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary réalisé par Rémi Chayé
- Josep réalisé par Aurel
- Petit Vampire réalisé par Joann Sfar
MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE
- Adolescentes
- La Cravate
- « Cyrille agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes
- Histoire d’un regard
- Un pays qui se tient sage
MEILLEUR PREMIER FILM
- Deux
- Garçon chiffon
- Mignonnes
- Tout simplement noir
- Un devant à Tunis
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
- 1917 réalisé par Sam Mendes
- La Communion réalisé par Jan Komasa
- Dark Waters réalisé par Todd Haynes
- Drunk réalisé par Thomas Winterberg
- Eva en août réalisé par Jonas Trueba