Norman Jewison

Norman Jewison РCr̩dits DGA

Le cinéaste canadien Norman Jewison, derrière Dans la Chaleur de la Nuit, L’Affaire Thomas Crown, Rollerball, Un violon sur le toit ou encore Éclair de Lune, nous a quittés à l’âge de 97 ans, laissant derrière lui une carrière vaste et passionnante.

 

 

 

Norman Jewison

Norman Jewison

Cinéaste complet et éclectique, Norman Jewison s’est paisiblement éteint le samedi , à l’âge de 97 ans. Une fin discrète et tranquille, qui sied à ce maître du septième art humble et profondément humaniste. Originaire de Toronto, l’homme s’est illustré dans presque tous les registres et tous les genres, pour un résultat souvent mémorable.

 

De la télévision aux premiers succès

 

Comme nombre de réalisateurs de sa génération, Norman Jewison a fait ses premières armes à la télévision. Pendant près d’une décennie, de 1952 à l’aube des années soixante, il a réalisé plusieurs téléfilms, d’épisodes de séries et d’émissions humoristiques. Il faut cependant attendre 1962 pour que le Canadien puisse enfin s’atteler à son premier long-métrage de cinéma pour le compte de Universal. 

 

Des ennuis à la pelle, ce coup d’essai met en scène Tony Curtis dans la peau d’un patron de casino, qui doit s’occuper d’une fillette abandonnée. Cette comédie sans prétention, ni grande ambition, s’avère malgré tout assez cohérente au regard de la future carrière de Jewison. L’univers du jeu et ses magouilles reviennent de façon récurrente dans plusieurs de ses grands succès, et l’empathie naturelle pour ses héros se fait déjà sentir.

 

Steve McQueen - Le Kid de Cincinnati

Steve McQueen – Le Kid de Cincinnati (1966)

 

Son premier succès au cinéma, il ne le connaît que trois ans plus tard, alors qu’il a déjà trois nouvelles comédies à son actif. Appelé en urgence sur le tournage du Kid de Cincinatti, il a la lourde tâche de remplacer au pied levé Sam Peckinpah, lequel vient d’être renvoyé par la production. Le futur metteur en scène de La Horde Sauvage est en effet jugé ingérable par le producteur Martin Ransohoff, qui souhaite de toute urgence retrouver le contrôle du projet. Jewison ne se démonte pas et livre un film prenant, dans lequel Steve McQueen incarne un as du poker face à un champion vieillissant, campé par Edward G. Robinson. Succès public à sa sortie, Le Kid de Cincinatti démontre surtout ses capacités de direction d’acteur, parvenant à tirer le meilleur de ses deux stars.

 

Cette première réussite se confirme dès l’année suivante, en 1966, avec Les Russes Arrivent. Prenant place en pleine Guerre froide, le film a l’audace de montrer des héros soviétiques sous un jour sympathique, alors que les tensions avec l’Est sont déjà à leur comble. C’est l’une des constantes du cinéma de Norman Jewison, l’être humain, aussi imparfait soit-il, est toujours plus important que le système qu’il sert. Humaniste et bienveillant sans jamais perdre son regard grinçant et lucide, avec ce sixième film, il développe sa vision du monde qui se retrouve dans nombre de ses projets. Les Russes Arrivent est nommé quatre fois aux Oscars, de quoi encore un peu plus asseoir l’irrésistible ascension du cinéaste canadien.

 

Sidney Poitier et Rod Steiger - Dans la chaleur de la nuit

Sidney Poitier et Rod Steiger – Dans la chaleur de la nuit (1967)

 

Artiste engagé et cinéaste expérimentateur

 

1967 voit Norman Jewison confirmer définitivement son statut de réalisateur d’importance, grâce à la sortie de son septième film. Car Dans la chaleur de la nuit reste encore aujourd’hui un moment important de l’histoire du cinéma américain. Enquêtant sur un meurtre commis dans l’État du Mississippi, un inspecteur noir (le grand Sidney Poitier), doit faire face au racisme de la population, ainsi que du shérif local (Rod Steiger), avec qui il est contraint de faire équipe. Âpre et sans compromis, le film confronte les États-Unis au racisme larvé qui gangrène toujours le sud du pays. À l’arrivée, c’est un triomphe, le long-métrage décroche cinq Oscars dont ceux de meilleur acteur pour Rod Steiger et de meilleur film.

 

Fort de ce nouveau succès, Jewison retrouve Steve McQueen l’année d’après pour les besoins du cultissime L’Affaire Thomas Crown. Avec son charisme habituel, McQueen se glisse dans la peau de Thomas Crown, richissime homme d’affaires qui décide, par pur amour du frisson, d’organiser le cambriolage de sa propre banque. C’est sans compter sur la jeune inspectrice Vicki Anderson (Faye Dunaway), bien décidée à démasquer l’audacieux braqueur. Avec ce thriller mâtiné de romance, Jewison, signe sans aucun doute son films le plus réjouissant et populaire.

 

Faye Dunaway et Steve McQueen - L'Affaire Thomas Crown

Faye Dunaway et Steve McQueen – L’Affaire Thomas Crown (1968)

 

Mais plus encore que le glamour du couple McQueen/Dunaway, c’est la mise en scène qui frappe instantanément le spectateur. La même année que Richard Fleischer avec L’Étrangleur de Boston, Norman Jewison utilise le split-screen pour montrer plusieurs actions en simultané. Avec ces expérimentations visuelles, le cinéaste pave ainsi la voie aux futures expérimentations de Brian de Palma au cours des années 70.

 

Car sous ses dehors d’artisan classique, Jewison s’avère être un artiste touche à tout, d’une grande polyvalence. Avec Un violon sur le toit, le réalisateur socialement engagé s’essaie avec talent à la comédie musicale façon Broadway. Décrivant les rapports entre Juifs et Chrétiens orthodoxes dans un petit village ukrainien du début du siècle, le film est autant un spectacle musical qu’une ode à la tolérance et au partage des cultures, remportant trois Oscars.

 

Norman Jewison va à nouveau le reproduire avec son film suivant. Également adapté d’un show de Broadway, Jesus Christ Superstar suit une troupe de jeunes comédiens, mettant en scène la vie du Christ. Gentiment irrévérencieux, ce mélange de comédie kitsch et de récit biblique provoque quelques remous dans les communautés religieuses, mais reste assez bien accueilli, recevant même l’aval du Pape Paul VI.

 

James Caan - Rollerball

James Caan – Rollerball (1975)

 

Héritage d’envergure

 

En 1975, déjà auréolé de succès et de récompenses, Jewison va à nouveau livrer l’une de ses pièces maîtresses. Dans un futur dystopique, ultra mondialisé,  le pouvoir en place maintient la population sous sa coupe grâce à un sport aussi captivant que sauvage, le Rollerball. Lorsque le joueur star de ce sport, Jonathan E. (formidable James Caan) commence à devenir dangereusement populaire, les corporations au pouvoir tentent de se débarrasser de lui.

 

Sorte de réinterprétation futuriste de Spartacus, Rollerball impose instantanément une imagerie iconique et marquante, et une charge à l’encontre de l’aliénation de l’individu au profit du système. Autant d’éléments qui se retrouvent au cours des décennies suivantes dans de nombreuses œuvres.

 

De Running Man à Squid Game en passant par Gunnm ou Hunger Games, l’héritage de Rollerball est omniprésent dans la culture populaire contemporaine. Si ces descendants spirituels adaptent le propos à l’air du temps, brocardant tour à tour les dérives de la télévision ou des réseaux sociaux, ils conservent toujours une rage dirigée contre un système qui écrase les masses au bénéfice des puissants. La mise en scène de Jewison s’inscrit dans les standards des années 70, mais Rollerball reste un film d’une grande acuité et l’une des meilleures dystopie de son époque, aux côtés de Soleil Vert.

 

Cher et Nicolas Cage - Eclair de Lune

Cher et Nicolas Cage – Eclair de Lune (1988)

 

Ce film s’impose sans aucun doute au sommet de sa filmographie. Pour autant, les films suivants sont également, peu ou prou, à marquer d’une pire blanche. FIST, sorti en 1978 et librement inspiré de la vie du syndicaliste Jimmy Hoffa, reste un film remarquable, offrant notamment à Sylvester Stallone l’un de ses plus beaux rôles. L’acteur, habitué des rôles d’homme de la rue, est parfait en syndicaliste forcé de s’allier avec des truands pour réussir à mener à bien sa lutte sociale.

 

Des films comme Justice pour tous (1979), avec Al Pacino, et Éclair de Lune (1986), qui rafle trois Oscars dont celui de la meilleure actrice pour Cher, sont des succès commerciaux et continuent de hisser Norman Jewison au firmament des grands réalisateurs.

 

Au crépuscule des années 90, il frappe une ultime fois avec son avant-dernier film, Hurricane Carter. Narrant l’histoire vraie d’un boxeur noir accusé d’un meurtre dont il se clame innocent, le long-métrage renoue parfois avec la force militante de Dans la chaleur de la Nuit. Si l’histoire vraie a été grandement modifiée pour les besoins du scénario, c’est l’efficacité dramatique et l’émotion qui priment. Soutenue par une mise en scène académique mais efficace, la performance de Denzel Washington dans le rôle-titre donne à Hurricane Carter toute sa puissance.

 

Denzel Washington -Hurricane Carter

Denzel Washington – Hurricane Carter (1999)

 

Incroyablement polvalent et engagé, Norman Jewison a ainsi traversé un demi siècle de cinéma américain, passant avec aisance d’un genre à l’autre, sans jamais se départir de son efficacité, sa profondeur, sa générosité et son humanisme.

 

Timothée Giret

 

 

 

 

 

 

 

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