Synopsis : Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l’Aquarius, construit dans les années 1940 sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements, mais elle se refuse à vendre le sien, et entre en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime.
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Remarqué en 2012 par Les Bruits de Recife, Kleber Mendonça Filho débarque en compétition à Cannes avec son deuxième long métrage. Aquarius s’impose comme une œuvre au regard mélancolique, empli de musicalité, sur la société brésilienne. Le cinéaste signe un scénario à la fois intimiste et humaniste, maîtrisé de bout en bout. Introduit d’abord en 1980, le film bascule brusquement dans le milieu des années 2010. Sans fioritures, le cinéaste brésilien révèle une gestion méticuleuse de l’espace. On se retrouve ainsi plongé au cœur d’un appartement, théâtre d’une grande discorde entre Clara et des requins de l’immobilier. Interprétée avec élégance et charme par la star brésilienne Sonia Braga (Dona Flor et ses deux maris, Gabriela), cette séduisante sexagénaire au tempérament bien trempé s’obstine à demeurer au sein de sa résidence immobilière malgré la pression. On la comprend car cette espace qu’elle occupe depuis des années se retrouve naturellement attaché à des souvenirs de vie (notamment son imposante collection de vinyles). L’exploitation de musiques liées à son passé permet d’ailleurs de démontrer cette emphase permanente avec le passé. Kleber Mendonça Filho multiplie les nombreux zooms pour mettre en relief son désir de scruter le vécu de son personnage et son environnement. Clara doit composer avec des pulsions qu’elle ne parvient plus à refouler, comme le plaisir de la chair, mais aussi sa propension à s’entêter face à ses enfants qui tentent rationnellement de la faire changer d’avis. Elle se perd donc dans son instabilité sentimentale et décide de n’en faire qu’à sa tête. Si le regard du cinéaste brésilien face au capitalisme radicalisé est bien mis en scène, il fait surtout preuve d’une empathie calfeutrée à l’encontre de Clara et ne cherche jamais à la sublimer. Les cicatrices corporelles (les traces d’un cancer) et ses défauts humains ne manquent jamais de ressurgir (la relation avec sa domestique). Cette distance, quant au pathos du personnage, permet précisément d’en faire ressortir avec justesse toute l’audace et la détermination. Une détermination qui la pousse à se surpasser pour mener à bien une bataille pas gagnée d’avance. Divisé en trois chapitres, Aquarius parvient à établir un dialogue soutenu entre bravoure, nostalgie et réflexion sociologique. Avec ce rôle, Sonia Braga s’impose en outre comme une sérieuse candidate pour le prix d’interprétation féminine.
- AQUARIUS écrit et réalisé par Kleber Mendonça Filho en salles le 28 septembre 2016.
- Avec : Sonia Braga, Humberto Carrao, Irandhir Santos, Maeve Jinkings, Barbara Colen, Zoraide Coleto, Fernando Teixeira, Pedro Queiroz…
- Production : Émilie Lesclaux, Saïd Ben Saïd, Michel Merkt
- Photographie : Pedro Sotero, Fabricio Tadeu
- Montage : Eduardo Serrano
- Décors : Juliano Dornelles, Thales Junqueira
- Costumes : Rita Azevedo Gomes
- Son : Ricardo Cutz, Nicolas Hallet
- Distribution : SBS Distribution
- Durée : 2h20
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