Synopsis : Frances retrouve un sac à main égaré dans le métro de New York et décide de le rapporter à sa propriétaire. C’est ainsi qu’elle rencontre Greta, veuve esseulée aussi excentrique que mystérieuse. L’une ne demandant qu’à se faire une amie et l’autre fragilisée par la mort récente de sa mère, les deux femmes vont vite se lier d’amitié comblant ainsi les manques de leurs existences. Mais Frances n’aurait-elle pas mordu trop vite à l’hameçon ?
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Sept ans après Byzantium, le réalisateur irlandais Neil Jordan (The Crying Game, Entretien avec un vampire, À vif) revient avec Greta, thriller psychologique glaçant relatant la rencontre entre une jeune fille en deuil et une femme aux intentions troubles. Frances, gentille serveuse à Brooklyn interprétée par une candide Chloë Grace Moretz (Come As You Are, Suspiria, Dark Shadows), sympathise avec Greta, une veuve mystérieuse et perturbée (incarnée par la terrifiante Isabelle Huppert) à qui elle a rapporté son sac à main égaré dans le métro. Sa colocataire Erica (Maika Monroe de It Follows et The Guest) tente en vain de la mettre en garde quant aux dangers liés à cette amitié subite. Jusqu’à ce que Frances trouve chez Greta une étrange collection, panique et décide de couper les ponts, mais la psychopathe refuse qu’on la plaque. Neil Jordan offre ici un rôle sur-mesure à la grande Isabelle Huppert – aussi souriante que cruelle, aussi affable qu’angoissante –, qui incarne avec brio cette sexagénaire perverse au visage impassible, bien décidée à s’imposer comme la mère de substitution de Frances. Sa présence devient de plus en plus oppressante, jusqu’à ce que ce comportement obsessionnel verse dans le crime. En effet, Greta, qui met en scène des personnages archétypaux dans une jungle urbaine, s’apparente à un conte noir, – une relecture moderne et tordue d’Hansel et Gretel ou du Petit Chaperon Rouge –, évoquant au passage Misery de Rob Reiner, Paranoïa de Steven Soderbergh mais aussi le cinéma de Paul Verhoeven, Brian de Palma et Roman Polanski. Ici, Neil Jordan ne cache jamais ses intentions : il fait de cette relation ambigüe le moteur de l’intrigue dont le crescendo dramatique s’inspire du suspense hitchcockien.
Le cinéaste parvient à créer une ambiance corrosive faite de harcèlement, de paranoïa et de faux-semblants. Exposition efficace, séquences cauchemardesques, teintes froides et mise en scène sobre font rôtir le spectateur jusqu’au dénouement. Si le scénario signé Ray Wright (Pulse, The Crazies), ne laisse pourtant guère de place au mystère, le duel s’annonce tout de même riche en rebondissements – ici, Greta devient une femme-araignée ultra-possessive tissant méticuleusement sa toile afin de piéger sa proie –, mais se délite et perd en intensité dans sa dernière partie. L’atmosphère macabre, glaçante et anxiogène qui renvoie à l’humour noir des nouvelles de Roald Dahl telles que La Logeuse ou Coup de gigot, est renforcée par la sinistre musique composée par Javier Navarrete. Le plan final nous évoque évidemment La Corde d’Hitchcock.
Déjà dérangée dans Violette Nozière et La Cérémonie de Chabrol, La Pianiste d’Haneke, Elle de Verhoeven, La Religieuse de Nicloux ou dans Huit Femmes d’Ozon, Huppert brille une nouvelle fois par son jeu ambigu qui oscille entre retenue et fureur. Si Greta ne révolutionne pas le genre, il révèle néanmoins toute l’étendue de la palette de la comédienne. Chloë Grace Moretz, dans le rôle de l’innocente et naïve victime, s’adapte à l’élégance et à la prestance de sa partenaire. À cette distribution s’ajoute Stephen Rea, acteur fétiche de Neil Jordan, qui passe un sale quart d’heure. Un thriller féminin angoissant mais prévisible, porté par un personnage machiavélique et effrayant, démontrant que Neil Jordan a plus d’un tour dans son sac.
- GRETA
- Sortie : 12 juin 2019
- Réalisation : Neil Jordan
- Avec : Isabelle Huppert, Chloë Grace Moretz, Maika Monroe, Stephen Rea, Colm Feroe, Zawe Ashton, Parker Sawyers, Jane Perry
- Scénario : Ray Wright, Neil Jordan
- Production : Lawrence Bender, James Flynn, Sidney Kimmel, John Penotti, Karen Richards
- Photographie : Seamus McGarvey
- Montage : Nick Emerson
- Décors : Anna Rackard, John Neligan
- Musique : Javier Navarrete
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h38