Synopsis : L’histoire de Paul Atreides, jeune homme aussi doué que brillant, voué à connaître un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Car s’il veut préserver l’avenir de sa famille et de son peuple, il devra se rendre sur la planète la plus dangereuse de l’univers – la seule à même de fournir la ressource la plus précieuse au monde, capable de décupler la puissance de l’humanité. Tandis que des forces maléfiques se disputent le contrôle de cette planète, seuls ceux qui parviennent à dominer leur peur pourront survivre…
♥♥♥♥♥
Dans la catégorie des films attendus, Dune était sans conteste le roi de cette année 2021. Bien évidemment à cause du report lié au Covid, mais bien au-delà , Dune de Frank Herbert a donné du fil à retordre à de nombreux cinéastes. Il faut dire qu’avec 600 pages juste pour son premier tome, le cycle de science-fiction initié en 1965 ne se laisse pas domestiquer facilement. C’est d’abord le fantasque Alejandro Jodorowsky qui s’y sera cassé les dents, suivi par Ridley Scott, qui se rabattra finalement sur le projet Alien. L’adaptation de David Lynch aura été jusqu’à son terme, mais si charcutée par la production que Lynch la signera Alan Smithee, nom d’emprunt réservé à l’auteur d’une œuvre qu’il n’assume plus. Seule la télévision aura droit de revoir une adaptation de cette saga réputée comme inadaptable. C’est alors qu’arrive Denis Villeneuve. Fan du roman depuis son adolescence, le réalisateur canadien en avait fait son projet cinématographique ultime, d’où des projets comme Premier Contact ou Blade Runner 2049, qui prennent avec le recul des airs de répétition générale pour Dune. Le choix qui fait se distinguer cette adaptation de celle de Lynch est essentiel : Villeneuve a d’ores et déjà pensé son adaptation en deux parties. Il en découle un film qui a beaucoup plus de temps pour son récit. Et Dieu sait qu’il lui en faut : située en 10191, l’histoire raconte la guerre géopolitique entre différentes familles régnant sur leurs planètes respectives. Au centre de cette guerre se trouve la planète Arrakis, et la précieuse ressource qu’elle contient, appelée l’épice, qui permet le voyage interstellaire. Dans ce récit s’entremêlent les thèmes de la guerre, de l’écologie, de la religion, du pouvoir…
Mais pas de quoi décourager le réalisateur canadien, qui réussit à mettre le tout en images dans une sobriété qui rend la compréhension de l’univers d’une facilité déconcertante, même pour qui n’est pas familier avec. De simples lignes de dialogues ou plans de quelques instants suffisent à faire comprendre des pans entiers de l’histoire, si bien qu’en à peine vingt minutes on est déjà en plein dans le vif du sujet. Le récit reste fluide tout du long, alternant action et dialogues à un rythme qui prend son temps, mais juste assez pour ne pas verser dans du trop théâtral. L’équilibre entre action et exposition force le respect : même le casting, qui a pu être vu chez Marvel ou Star Wars, réussit à habiter la solennité qui se dégage de l’univers imaginé par Frank Herbert.
Dans son rôle de patriarche des Atréides, Oscar Isaac est en effet loin de la malice de Poe Dameron. Timothée Chalamet, loin de sa figure de jeune premier, prend bien sur ses épaules tout le poids que lui incombe le rôle de Paul, l’héritier des Atréides. Et s’il lui envoie quelques piques, Jason Momoa reste impeccable dans son rôle de Duncan Idaho, fidèle soldat de l’armée des Atréides et meilleur ami de Paul. Alors qu’il joue les phénomènes de foire dans les Gardiens de la Galaxie de James Gunn, Dave Bautista trouve enfin un rôle à sa carrure dans le personnage de Glossu Rabban, lieutenant et neveu du baron Harkonnen. Rebecca Ferguson incarne pour sa part une dame Jessica toute en nuance, tantôt auréolée de la puissance de son ordre religieux, tantôt vulnérable au beau milieu du désert. On peut regretter la maigre présence de Zendaya, qui irradie l’écran de son magnétisme à chaque apparition, mais on se consolera vite en attendant Dune, deuxième partie.
Comme pour son Blade Runner 2049, les deux grandes forces du Dune de Denis Villeneuve sont les décors et la musique. Tourné entre la Jordanie, la Hongrie et la Norvège, le film bénéficie d’un éclairage modeste, voire parfois rare, tendant à crédibiliser les lieux présentés. La diversité des vaisseaux spatiaux qui apparaissent parvient à donner une vraie identité à l’univers, loin des canons fixés par Star Wars. De retour à la musique, Hans Zimmer laisse à l’univers de Blade Runner ses nappes synthétiques, pour passer à des sonorités beaucoup plus tribales. Un rappel à l’univers de Dune, partagé entre les différentes maisons et les équilibres qui les régissent, mais également un rappel aux thématiques sous-jacentes de l’œuvre : les rivalités autour de l’exploitation des ressources, et l’inévitable violence qui risque de découler de la raréfaction des ressources en question.
Il faut être clair. Par sa relative lenteur et son intrigue complexe, le film peut en laisser sur la touche. Mais il suffit d’un peu de patience pour pénétrer pleinement dans l’univers de Dune, porté à l’écran par un passionné de la première heure, qui ne demande qu’à prendre le spectateur pour aussi intelligent qu’il est. Villeneuve propose un long-métrage dense, fascinant, qui nécessite absolument la salle pour être pleinement apprécié. Un enjeu d’autant plus important que le succès de cette première partie conditionnera l’existence de la seconde. De quoi rallumer la flamme de l’espoir de voir se multiplier dans nos salles une science-fiction ambitieuse, qui fait autant grandir son média que ses spectateurs.
Théotime Roux
- DUNE
- Sortie salles : 15 septembre 2021
- Réalisation : Denis Villeneuve
- Avec : Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Josh Brolin, Stella SkarsgÃ¥rd, Dave Bautista, Zendaya, Charlotte Rampling, Jason Momoa, Javier Bardem…
- Scénario : Eric Roth, Jon Spaihts et Denis Villeneuve
- Production : Cale Boyter, Mary Parent et Denis Villeneuve
- Photographie : Greig Fraser
- Montage : Joe Walker
- Costumes : Jacqueline West et Bob Morgan
- Décors : Patrice Vermette
- Musique : Hans Zimmer
- Distribution : Warner Bros.
- Durée : 2h35