Dumbo de Tim Burton : critique  

Publié par Sévan Lesaffre le 25 mars 2019

Synopsis : Holt Farrier, une ancienne gloire du cirque, voit sa vie complètement chamboulée au retour de la guerre. Max Medici, propriétaire d’un chapiteau en difficulté, le recrute pour s’occuper d’un éléphanteau aux oreilles disproportionnées, devenu la risée du public. Mais quand les enfants de Holt découvrent que celui-ci peut voler, l’entrepreneur persuasif V.A. Vandevere et l’acrobate aérienne Colette Marchant entrent en jeu pour faire du jeune pachyderme une véritable star…

 

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Dumbo - affiche

Dumbo – affiche

Après Alice au Pays des Merveilles, Tim Burton (Big FishEdward aux mains d’argentBig Eyes) s’attaque de nouveau à l’un des plus grands chefs-d’œuvres animés de Walt Disney réalisé par Ben Sharpsteen en 1941 : Dumbo. Par un beau matin de printemps, une cigogne livre un nouveau-né à Madame Jumbo, une femelle éléphant pensionnaire d’un cirque itinérant. À sa grande surprise, sa progéniture arbore des oreilles disproportionnées, ce qui lui vaut d’être surnommée Dumbo par ses congénères méprisants. Rejeté de tous, le pauvre animal trouve le réconfort auprès de Timothy, une souris malicieuse, rappelant l’adjuvant Jiminy Criquet dans Pinocchio, autre succès des studios Disney dans les années 1940. Grâce à une plume magique et à une bonne dose de courage, Dumbo va finalement réussir à faire de son handicap un atout en s’envolant. Il devient ainsi l’unique éléphant capable d’une telle prouesse, la grande vedette du cirque. Ici, pas de cigogne livreuse, pas de souris bienveillante, d’éléphantes commères ni de corbeaux chantants mais une fantasy fade et factice à la mode Burton, à l’antipode du voyage émotionnel d’un personnage innocent et attendrissant, ayant annoncé un autre classique d’animation : Bambi. Si ce remake pachydermique, lissé et malhabile, reprend en filigrane les thèmes chers à Walt Disney, l’esthétique gothique caractéristique du cinéaste alourdit et dessert le propos. Le film s’ouvre sur Casey Junior, le petit train du cirque, ici muet, et la composition peu inspirée de Danny Elfman, laquelle intègre d’ailleurs les célèbres mélodies disneyennes revisitées dont Le Train du bonheur et l’emblématique berceuse Mon tout petit. L’introduction laisse vite place à la laideur des graphismes numériques poussés à l’extrême, aux couleurs criardes et exubérantes ou encore à un tourbillon d’effets spéciaux grossiers annihilant poésie et émotion. Le monde des humains prend le pas sur celui des animaux.

 

Dumbo

Dumbo

 

Dans un patchwork maladroit trahi par une mise en scène mécanique et prévisible, Burton convoque Freaks de Tod Browning, Footlight Parade de Busby Berkeley, le Carrousel du Progrès de Walt Disney ou encore l’intérieur du Nautilus de Vingt Mille Lieues sous les mers, et perd en chemin le spectateur qui peine à adopter un réel point de vue. Entre gaieté et noirceur, le scénario touffu d’Ehren Kruger (Les Frères Grimm), qui conserve toutefois les scènes iconiques – la séquence de la plume, l’incendie, Dumbo grimé en clown, la fantaisie surréaliste de la parade des éléphants roses – démantibule la storyline originale et l’œuvre épurée de Sharpsteen au profit d’un apocalyptique freakshow burtonien.

 

Si le porche de Dreamland semble calqué sur les grilles de l’usine de Willy Wonka, Tim Burton a perdu le génie de Charlie et la Chocolaterie, de Frankenweenie ou des Noces Funèbres. Ce Dumbo, qui veut mettre en avant un outsider (le héros chez Burton est toujours un marginal), est plutôt une triple histoire de survie : celle du cirque qui essaie de s’en sortir, de la famille qui tente de se reconstruire après la guerre, et fâcheusement, en dernière position, de l’éléphanteau volant qui doit surmonter la disparition de sa mère. Dumbo n’est qu’une bête de foire à l’arrière-plan, un prétexte pour tenter de relier, d’unifier des errances fantasques, parcourir « (Disney)DreamLand », parc d’attractions hideux, puis la sinistre – surtout grotesque – île aux cauchemars. À l’instar de Jean-Christophe et Winnie, l’angle privilégié est celui de la famille – perspective peu originale car maintes fois rebattue dans les productions Disney actuelles –, ici en deuil, créant un effet miroir avec l’éléphant en souffrance.

 

Dumbo - Dreamland

Dumbo – Dreamland

 

Le casting n’est pas non plus à la hauteur des espérances : le rôle du cow-boy manchot attribué à Colin Farrell est bien plat, Danny DeVito (Batman : Le Défi) en Monsieur Loyal en fait trop, Michael Keaton (Beetlejuice), qui incarne l’entrepreneur persuasif V.A. Vandevere, est un méchant malheureusement sous-exploité tandis que les répliques des deux enfants incarnés par Nico Parker et Finley Hobbins sont trop explicites et manquent de subtilité. Enfin, Burton troque son éternelle actrice fétiche Helena Bonham Carter contre la fille de Marlène Jobert, la glaçante Eva Green au phrasé si singulier, déjà vue dans Dark Shadows et Miss Peregrine et les enfants particuliers, dans la peau d’une trapéziste frenchie du nom de Colette Marchant. La Reine des étoiles exécute ses acrobaties suspendue à un lustre – évoquant la séquence dans laquelle Angélique Bouchard, vaincue, offre son cœur à Barnabas Collins – et dépose même un doux baiser maternel sur le front du pachyderme, telle Blanche-Neige baisant celui de Simplet. Le couple glamour Colette/Vandevere rappelle ceux de l’âge d’or d’Hollywood, lorsque les producteurs de cinéma s’affichaient en compagnie de jeunes starlettes.

 

Michael Keaton et Eva Green - Dumbo

Michael Keaton et Eva Green – Dumbo

 

En somme, Burton ronronne, tente de jongler avec l’univers magique et féérique du cirque, mais fait fausse route en se réappropriant le sujet (la différence) d’un film accompli qui touche une corde sensible, sans parvenir à rendre un hommage sincère à l’un des grands classiques d’animation des studios Disney ayant remporté l’Oscar de la meilleure musique. Le chapiteau dressé par Tim Burton s’effondre dès les premières minutes de ce remake confus visuellement assez médiocre.

 

 

 

  • DUMBO
  • Sortie : 27 mars 2019
  • Réalisation : Tim Burton
  • Avec : Colin Farrel, Danny DeVito, Eva Green, Michael Keaton, Nico Parker, Finley Hobbins, Joseph Gatt, Alan Arkin, Michael Buffer, Sandy Martin, Sharon Rooney…
  • Scénario : Ehren Kruger d’après l’œuvre de Helen Aberson
  • Production : Ehren Kruger, Justin Springer, Katterli Frauenfelder, Derek Frey
  • Photographie : Ben Davis
  • Montage : Chris Lebenzon
  • Décors : Rich Heinrichs
  • Costumes : Colleen Atwood
  • Musique : Danny Elfman
  • Distribution : The Walt Disney Company France
  • Durée : 1h52

 

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