Résumé : La figure du zombie a, entre les mains de certains auteurs et cinéastes inspirés, pris une dimension sociale et politique incontestable. Métaphore de nos craintes et d’une civilisation qui va mal, les morts-vivants sont en effet devenus, à travers de nombreux films, les dépositaires de la critique d’un monde injuste et violent et qui tend à se déshumaniser. Cet ouvrage entend dresser un panorama subjectif d’oeuvres engagées qui n’ont pas peur de dénoncer les dérives de nos sociétés contemporaines. Il fait donc volontairement l’impasse sur quelques productions télévisuelles telles que The Walking Dead, auxquelles plusieurs essais ont déjà été consacrés.
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Figure de contestation autant qu’entité horrifique, le mort-vivant, dans son acceptation moderne, n’a eu de cesse d’ébranler les certitudes de notre société. En choisissant cette piste d’analyse comme principale objet d’étude, Erwan Bargain, journaliste et essayiste, risquait d’enfoncer des portes ouvertes depuis longtemps. Cette crainte semble se confirmer dès les premières pages de son étude consacrées à la seule filmographie de Romero. De La Nuit des morts-vivants à Survival of the Dead, l’auteur propose une série de développements qui ne font qu’asseoir nos certitudes. Et pourtant, c’est au creux de ce déjà -lu que se niche la singularité de l’écrit. Car loin de faire de l’enseignement de Romero la matière à une série de règles universelles, Bargain prend soin de revenir sur le caractère unique de chacun des films, choisissant de les aborder à l’intérieur de sous-parties autonomes. Cette méthodologie fait le prix de ses chapitres suivants consacrées à des productions moins connues ou, tout du moins, moins commentées. Dellamorte Dellamore de Michele Soavi, Moi, zombie : chronique de la douleur d’Andrew Parkinson, Fido d’Andrew Currie, Cargo de Yolanda Ramke et Ben Howling ou encore La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, prouvent que la valeur sociologique et politique du zombie dépasse largement le cadre d’une époque ou d’une cinématographie isolée. À chaque exemple, sa thématique associée. Maladie physique, obsession pour l’image, lutte des classes, féminisme, problématique écologique, crainte de la solitude ou de l’accession à l’âge adulte se voient réfléchies à travers une description relativement précise des enjeux narratifs des films et de leur originalité formelle.
Si la plupart des productions bénéficient d’analyses complètes (ainsi de la question de la langue et du langage que l’auteur développe assez brillamment à propos de Pontypool), l’étude de certaines se réduisent à peau de chagrin. Cette lacune se retrouve encore à travers les sources convoquées par l’auteur. Que ce soit parmi les références disséminées au fil des pages ou à l’intérieur de la bibliographie qui clôture l’ouvrage, on s’étonne que manquent à l’appel certains textes qu’il faut bien considérer comme des incontournables. Ainsi de la somme consacrée par Julien Sévéon à George Romero, de la Politique des Zombies coordonnée par Jean-Baptiste Thoret, ou encore du récent Géographie zombie, les ruines du capitalisme de Manouk Borzakian.
Ces quelques manques mis à part, la lecture de l’étude de Bargain reste agréable et constitue une base assez solide pour qui souhaiterait se voir introduire à la dimension socio-politique du film de zombies.Â
- ZOMBIES, DES VISAGES, DES FIGURES… DIMENSION SOCIALE ET POLITIQUE DES MORTS-VIVANTS AU CINÉMA
- Auteur : Erwan Bargain
- Éditions : Ocrée
- Date de parution : 27 octobre 2020
- Langues : Français uniquement
- Tarifs : 15 € (disponible à la commande en ligne)