Synopsis : En cavale depuis les événements de Captain America : Civil War, Natasha Romanoff, alias Black Widow, va se retrouver confrontée à sa sœur adoptive, qui est restée dans le programme secret où elles ont toutes les deux été formées. Ensemble, elles vont devoir démanteler la conspiration qui est derrière ce programme de contrôle des esprits.
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Il aura fallu attendre la fin du cycle des Pierres d’Infinité pour voir arriver le film consacré au personnage de Natasha Romanoff, second rôle depuis son introduction dans Iron Man 2 en 2010. Arrivé non seulement après Avengers : Endgame, mais aussi après les séries WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver et Loki, le film Black Widow, réalisé par Cate Shortland, peine à justifier sa présence dans le MCU. Comment en effet lancer une phase 4 qui s’oriente vers le démesuré de l’Espace avec un film sans super-pouvoirs, tout en proposant une version marvelisée des Jason Bourne ou autres Mission Impossible ? Dès l’ouverture, l’ambiance est pourtant intéressante. On découvre une famille artificielle, composée d’agents secrets au service de la Russie des années 1990, qui voit sa couverture compromise. Au milieu de ces parents et de cette sœur qui ne sont pas les siens, la jeune Natasha épate déjà par son agilité et son courage. Ce prologue a le mérite de proposer plus d’ancrage émotionnel que les guerres des étoiles qui ont fait les deux derniers Avengers. Hélas, on retrouve ensuite très vite les rails trop usés du MCU, avec un flash forward au contexte post-Civil War, où Natasha, dans sa fuite pour échapper au S.H.I.E.L.D, se retrouve confrontée à sa sœur d’adoption, Yelena. Tout juste évadée du programme Red Room, où elle était manipulée depuis toute petite, cette dernière veut en découdre avec son chef, Dreykov, et sollicite l’aide de l’Avenger en cavale.
L’action est certes au rendez-vous dans des décors variés et filmés avec un certain talent. Cependant, elle ne surprend jamais vraiment, tant les rebondissements sont visibles. Le personnage de Taskmaster, véritable Terminator à la solde de Dreykov, avait sur le papier la capacité intéressante de répliquer les mêmes mouvements que son adversaire, devenant de fait l’ennemi invincible par excellence. Mais loin d’exploiter cette idée, le film préfère mettre en scène des combats vus et revus, entre explosions en pagaille et combats aux chorégraphies illisibles.
Le reste du casting est également très à la peine. Scarlett Johansson, productrice exécutive du film, coche les cases sans trop en faire. Florence Pugh, dont le talent s’exerce dans toute sa grandeur dans Midsommar et Les Filles du Docteur March, est ici assez remarquable, même avec l’accent russe à couper au couteau que le personnage (ou plutôt le studio) impose. Rachel Weisz est à l’opposé transparente dans le rôle de la fausse mère Melina, et en ce qui concerne le personnage du père, campé par David Harbour, pourtant parfait dans Stranger Things, on aurait presque préféré qu’il soit aussi discret.
Cet Alexei Shostakov a lui aussi une identité secrète : c’est le Red Guardian, qui se rêve depuis toujours en équivalent soviétique de Captain America. Plutôt qu’un complexe d’infériorité intéressant à creuser pour caractériser le personnage, cela devient le prétexte à toute une série de blagues inutiles, parfaites illustrations de l’outrance avec laquelle Marvel recouvre sa faiblesse scénaristique. Le Red Guardian n’est finalement qu’un beauf en puissance, suffisamment solide pour tenir les scènes de combat, et pourvu d’un peu de cœur à la fin pour finir sur une note positive.
Pour rester sur l’archétype du mâle dominant, le personnage de Dreykov est prétexte à tenter de développer un propos pas forcément mal placé sur les phénomènes d’emprises dont sont victimes certaines femmes, sous la coupe d’hommes manipulateurs. Le plan du méchant semble en effet une sorte de version Marvel d’un trafic de femmes, qui attendent leurs sœurs Natasha et Yelena pour les libérer du joug de leur oppresseur. Le message a le mérite d’exister dans ce film formaté au possible, même si en certains points sa présentation fait elle aussi les frais de ce formatage.
Au final, Black Widow ne s’en sort que sur deux points : d’une part son postulat de base, qui le pousse à aller vers le genre du film d’espionnage, rare dans le MCU. D’autre part, les quelques fulgurances du scénario ou du casting qui donnent de rares moments d’originalité. Au-delà, Marvel ne fait qu’appliquer la même recette pour un résultat qui n’a plus beaucoup de saveur. Et il ne faudra pas compter sur la scène post-générique pour lui en donner, puisqu’elle ne sert qu’à rappeler une série Disney + et à en teaser une autre. Une sortie par la petite porte pour une héroïne qui reste, jusqu’au bout, reléguée au second plan dans cet univers Marvel.
Théotime Roux
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- BLACK WIDOW
- Sortie salles : 7 juillet 2021
- Réalisation : Cate Shortland
- Avec : Scarlett Johansson, Florence Pugh, David Harbour, Rachel Weisz, O. T. Fagbenle, William Hurt, Ray Winstone, Olivier Richters
- Scénario : Eric Pearson, d’après une histoire de Ned Benson et Jac Schaeffer et le personnage créé par Stan Lee, Don Rico et Don Heck
- Production : Kevin Feige
- Photographie : Gabriel Beristain
- Montage : Leigh Folsom Boyd et Matthew Schmidt
- Décors : Charles Wood
- Costumes : Jany Temime
- Musique : Lorne Balfe
- Distribution : The Walt Disney Company France
- Durée : 2 h 13