Synopsis : Cassius Green vit avec sa copine dans le garage de son oncle et croule sous les dettes. Fraîchement embauché en tant que télémarketeur, Cassius va se révéler des plus compétents et va rapidement gravir les échelons de l’entreprise. Mais son évolution vers une élite des plus immorales va progressivement l’éloigner de tous ses proches.
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À l’ère du Black Lives Matter, de nombreux films sont venus mettre en lumière les discriminations raciales subies par la communauté afro-américaine. Parmi eux, Detroit, Les figures de l’ombre et BlacKkKlansman se servaient du passé comme miroir du présent, mais il y également d’autres oeuvres, comme Get Out, qui ont osé s’aventurer vers des genres plus fantaisistes pour parler de problématiques sociales. Pour son premier film, le musicien Boots Riley lui, vise la satire burlesque avec Sorry to bother you et frappe fort à travers cette oeuvre aussi loufoque que militante. On y retrouve le personnage de Cassius, interprété par Lakeith Stanfield, jeune homme à la situation modeste qui va rêver de prendre l’ascenseur social. Cet ascenseur existe réellement dans le film. Ses portes sont dorées et il faut connaître le code d’une centaine de chiffres pour l’activer. Tout est ainsi dans Sorry to bother you, à l’instar d’un Michel Gondry, il n’y a pas de frontière entre l’imaginaire et la réalité. Ainsi, lorsque Cassius démarche ses clients au téléphone, nous le voyons littéralement débarquer (avec son bureau) dans leur intimité. Pour les convaincre, il doit utiliser « sa voix de blanc » qui remplace celle qu’il possède par le timbre haut perché d’un autre acteur. À la télévision, les gens se font tabasser pour divertir l’audience… Toutes ces idées offrent des passages parfois crétins, mais aussi de véritables moments de cinéma. Avec son maniement de l’hyperbole et du non-sens à la Spike Jonze, le film accède à un ton incisif tellement décalé qu’il en devient souvent hilarant. La dernière partie de l’oeuvre bascule dans le fantastique et va même jusqu’à s’aventurer dans des citations de Pinocchio et de Soleil Vert. Derrière cet aspect badin se cache une colère très marquée. Une caricature qui dénonce autant de maux de la société américaine. Boots Riley s’attaque au monde de l’entreprise, à la précarité des Afro-américains, au racisme ordinaire, aux violences policières, à la vacuité des médias, aux marchands d’armes ou encore au capitalisme dans son ensemble. « L’humour est l’arme blanche des hommes désarmés » disait Romain Gary, et si Sorry to bother you se révèle parfois un brin chaotique, il touche souvent dans le mille. Le ton est libre, les acteurs sont généreux et Donald Glover sort son « too old for this sh*t ». Que demander de plus ?
Robin Plomb
- SORRY TO BOTHER YOU
- Sortie salles : 30 janvier 2019
- Réalisation : Boots Riley
- Avec : Lakeith Stanfield, Tessa Thompson, Steven Yeun, Danny Glover, Terry Crews, Jermaine Fowler, Kate Berlant, Michael X. Sommers,…
- Scénario : Boots Riley
- Production : Jonathan Duffy, Nina Yang Bongiovi, Forest Whitaker, Kerry Williams, George Rush, Charles D. King
- Photographie : Doug Emmett
- Montage : Terel Gibson
- Décors : Kelsi Ephraim
- Costumes : Deirdra Elizabeth Govan
- Musique : The Coup, Merrill Garbus, Nate Brenner
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 1h51
- Site officiel du film