Synopsis : Après un accident qui mène à la mort de sa mère, la jeune Estella Miller arrive à Londres et se lie d’amitié avec deux jeunes vauriens. Ils l’aident quelques années plus tard à intégrer la maison de haute couture Liberty, tenue par la baronne von Hellman. Face à cette richissime impératrice de la mode, Estella va devoir libérer sa part sombre, pour devenir Cruella, brillante créatrice assoiffée de vengeance.
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Annoncé en 2013, ce film avait de quoi surprendre : qu’y avait-il à raconter sur l’antagoniste des 101 Dalmatiens, classique d’animation du studio Disney de 1961 ? D’autant que les deux précédentes adaptations live n’avaient pas vraiment marqué positivement le public. C’est Craig Gillepsie (Moi, Tonya) qui met en image cette origin story portée par Emma Stone dans le rôle-titre. c’est surtout au niveau du scénario que le bât blesse. On a du mal à toujours trouver aussi méchante la jeune femme qui porte le traumatisme de la mort de sa mère, d’autant plus fort qu’elle est persuadée d’en être la seule coupable. On sent par ailleurs que l’équipe du film a bien révisé le Joker de Todd Phillips, dans sa façon de construire la dérive du personnage de sa personnalité « gentille » à sa personnalité « méchante », jusqu’à en friser le trouble de la personnalité multiple. Mais, Disney oblige, les rebondissements de cette comédie semblent parfois un peu trop gentillets, et surtout trop attendus. Au-delà de ces quelques défauts, il faut souligner le formidable travail de Martin Foley à la direction artistique. Déjà responsable de l’esthétique de tout l’univers Harry Potter depuis le quatrième film, il est associé sur Cruella à Fiona Crombie, chef décoratrice qui avait déjà impressionné sur La Favorite. Comme pour le Joker de 2019, un des points forts du film est l’esthétique puissante de l’époque dans laquelle il se déroule : un superbe Londres en pleine époque punk-rock. En intérieur comme en extérieur, tout est pop, coloré, sans tomber dans le cliché des plans monuments pour touristes.
Ce travail de reconstitution passe également par des choix musicaux très représentatifs de cette époque, à mi-chemin entre le pop-rock très british de Queen, Blondie ou encore Electric Light Orchestra, et les sonorités plus blues de Nina Simone ou The Bee Gees. Une sélection qui correspond également au milieu de la mode, cœur du film. En plus de cette playlist, Nicholas Britell (Vice, The Big Short, Twelve Years a Slave, Moonlight) a chargé le groupe Florence + The Machine de composer le thème, Call Me Cruella, lui aussi dans la plus pure veine punk-rock sixties.
Les costumes sont également exceptionnels, conçus par Jenny Beavan, dont la réputation n’est plus à faire après ses travaux sur les Sherlock Holmes, Le Discours d’un Roi ou encore Mad Max : Fury Road. Les créations sont vraiment très excentriques, inspirées des plus grands couturiers, et porteuses de la folie de Cruella. Une folie à laquelle Emma Stone parvient à rendre justice de manière très convaincante, tout en restant touchante dans son personnage d’Estella, jeune fille éternellement en décalage avec les autres et rongée par les remords depuis le décès de sa mère. À ses côtés, les deux voyous Horace et Jasper sont eux aussi persuasifs, en particulier Paul Walter Hauser, qui gagne vraiment à être connu après ses rôles dans Moi, Tonya, BlacKkKlansman, Da 5 Bloods, Le Cas Richard Jewell.
En antagoniste, Emma Thompson joue une détestable baronne von Hellman, dont le snobisme et l’arrogance rappellent inévitablement la tyrannique directrice de rédaction campée par Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada, ou encore le couturier qu’incarne Daniel Day-Lewis dans Phantom Thread.
En résumé, si Cruella ne fait que très peu le lien avec le film de 1961 (si ce n’est la scène post-générique assez visiblement ajoutée au forceps), il a pour lui de présenter un film dynamique, coloré, et divertissant, sans être spécialement surprenant. C’est un moment assez sympathique, qui plaira à toute la famille, et qui se révèle dans la bonne moyenne de ce que produisent les studios Disney ces dernières années.
Théotime Roux
- CRUELLA
- Sortie salles : 23 juin 2021
- Réalisation : Craig Gillespie
- Avec : Emma Stone, Emma Thompson, Joel Fry, Paul Walter Hauser, Emily Beecham, Kirby Howell-Baptiste, Mark Strong, John McCrea, Kayvan Novak, Jamie Demetriou…
- Scénario : Dana Fox, Tony McNamara
- Production : Andrew Gunn, Marc Platt, Kristin Burr
- Photographie : Nicolas Karakatsanis
- Montage : Tatiana S. Riegel
- Décors : Fiona Crombie
- Costumes : Jenny Beavan
- Musique : Nicholas Britell
- Distribution : The Walt Disney Company France
- Durée : 2h14