Résumé : On l’a appelé « Mel-une-prise » pour sa capacité à livrer le meilleur de lui-même dès la caméra enclenchée. Mais Mel Gibson porte aussi le surnom moins flatteur de « Mad Mel ». Écho bien sûr au rôle de motard vengeur qui a lancé sa carrière et qu’il aurait décroché, selon la légende, après une bagarre de bar, mais aussi à cause de ses dérapages à répétition et de ses projets pharaoniques : le tournage épique de Braveheart, la reconstitution grandeur nature de Jérusalem pour La Passion du Christ, les centaines de figurants mobilisés en pleine jungle pour Apocalypto… Mel Gibson est à l’image des héros qu’il a interprétés, ceux de Mad Max, L’Arme fatale ou plus récémment du Complexe du castor : toujours sur la brèche, à cheval entre le coup d’éclat et le coup de folie.
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Après Marlon Brando, les éditions Capricci enrichissent leur collection « Stories » d’un nouvel opus consacrée au controversé Mel Gibson. Écrit par Matthieu Rostac, collaborateur du magazine Sofilm et co-auteur de La saga HBO (Capricci, 2017), ce court ouvrage reprend à son compte l’ensemble des mérites de son prédécesseur. Dans un style fluide et journalistique, l’auteur propose une étude chronologique de la carrière et de la vie de Gibson. Cette approche monographique a le mérite d’explorer de façon approfondie les grands moments d’une filmographie plus complexe qu’elle n’y paraît au premier abord. Aux films d’action qui firent la renommée de l’acteur à Hollywood (la saga des Mad Max ; L’arme fatale ; Braveheart…) répondent en effet des productions intimistes (Tim ; Mrs Soffel ; L’Homme sans visage) et culturellement plus ambitieuses (le Hamlet de Franco Zeffirelli), un éclectisme qui prouve l’ambition artistique d’un comédien qui a toujours refusé de rester dans les clous. Cette ambivalence fait écho à la personnalité même de Gibson. Constamment sur la brèche, l’acteur-réalisateur a vu son professionnalisme entachée par de nombreuses frasques principalement dues à son alcoolisme et à son goût assumé pour les extrêmes. Mel le cinglé et Mel le bagarreur laissent bientôt la place à des sobriquets plus douteux. Taxé d’antisémitisme après la sortie de La Passion du Christ, ou d’homophobie à la suite de sorties médiatiques franchement nauséabondes, Gibson devient persona non grata à Hollywood. La sortie du trou prendra plusieurs années, Rostac soulignant la valeur métaphorique du Complexe du castor qui permit à l’acteur de jouer à l’écran avec ses propres démons. L’ouvrage permet donc de revenir sur ces nombreuses zones d’ombres et de les éclairer à la lumière de l’identité artistique de Gibson. Pour l’auteur, ses réalisations (Braveheart ; La Passion du Christ ; Apocalypto ; Au nom du père) reflètent les paradoxes, les constances et les limites d’un discours jusqu’au-boutiste. Si l’étude trouve dans les rôles de l’acteur la présence de thématiques communes, c’est plutôt la mise en scène du réalisateur qui est analysée ici. Rostac décrit ainsi le style de Gibson et relève ses principales références à travers une réflexion critique passionnante. On regrettera néanmoins l’absence de retour sur les spécificités du jeu de Gibson ainsi que l’esquisse d’une généalogie stylistique concernant ses représentations à l’écran. Ces manques ne retirent pourtant rien à la qualité générale de cet ouvrage qui saura susciter l’intérêt du grand public comme celui des spécialistes.
- MEL GIBSON. SUR LA BRÈCHE
- Auteur : Matthieu Rostac
- Éditions : Capricci
- Collection : Capricci Stories
- Date de parution : 20 juin 2019
- Format : 84 pages
- Tarif : 11,50 €