La présidente Cate Blanchett, accompagnée de son jury, a décerné la palme d’or à l’excellent Une affaire de Famille de Hirokazu Kore-Eda.
Au terme de ces douze jours entre temps pluvieux et ensoleillé, le jury, présidé par Cate Blanchett, qui réunissait Ava DuVernay, Denis Villeneuve, Kristen Stewart, Léa Seydoux, Robert Guédiguian, Andrey Zvyagintsev, Chang Chen et Khadja Nin, ont fait preuve d’un choix engagé, souvent enthousiasmant et parfois imprévisible. Un palmarès qui souligne cependant l’état du monde, les différences, les expériences humaines, les problèmes sociaux et la politique mondiale.
L’Asie était en force cette année avec huit longs métrages présentés en compétition, mené de main de maître par Une affaire de Famille, Hirokazu Kore-Eda, récipiendaire de la Palme d’or. après Le cinéaste japonais, qui en était à sa septième sélection, signe une oeuvre profonde, intimiste et déchirante. Un double miroir sur le société japonaise dans lequel il manipule le spectateur en jouant sur les apparences.
BlacKkKlansman de Spike Lee, revenu en compétition officielle près de trente ans après Jungle Fever (1991) et Do the Right Thing (1989), rafle le Grand Prix. Le cinéaste afro-américain revient ainsi également en force avec une oeuvre assez jubilatoire, qui mêle blaxploitation et satire anti-raciste. Inspiré d’une histoire vraie survenue en 1978, à Colorado Springs aux États-Unis, le récit se concentre sur la mission improbable d’un jeune flic noir, qui infiltre le Ku Klux Klan avec son collègue juif blanc, pour en dénoncer les exactions. BlacKkKlansman a également reçu une Mention Spéciale pour le Prix Oecuménique.
Le Prix du Jury a été attribué à l’excellent Capharnaüm de Nadine Labaki, laquelle avait ses chances de devenir la seconde réalisatrice à gagner le trophée suprême. Également récompensé par du prix Oecuménique, le récit radiographie les bidonvilles du Liban en suivant un jeune garçon de douze ans, qui décide de porter plainte contre ses parents pour l’avoir mis au monde. Un périple infernal plongé dans les rues chaotiques de Beyrouth. La réalisatrice libanaise est montée sur scène avec le magistral Zain Al Rafeea, acteur non-professionnel, qui subjugue par son jeu authentique, captivant et viscéral.
Les prix d’interprétation féminine et masculine ont été remis respectivement à l’incroyable Marcello Fonte pour le moyen Dogman de Matteo Garrone, dans le rôle d’un toiletteur de chiens dans une banlieue italienne, et à Samal Yeslyamova pour Ayka, centré sur une femme sans emploi et criblée de dettes qui vient d’accoucher.
La remettante du prix de la meilleure actrice, Asia Argento, en a profité pour rappeler son viol par Harvey Weinstein à l’âge de 21 ans en 1997, en précisant à l’audience du Grand Théâtre Lumière : « Ce festival était son terrain de chasse (…) Harvey Weinstein ne sera plus jamais le bienvenu ici. Il vivra dans la disgrâce, évité par une communauté de cinéastes qui l’a embrassé et couvert ses crimes. ».
Cate Blanchett et son jury ont choisi d’inscrire au palmarès une Palme d’Or Spéciale à Jean-Luc Godard pour son documentaire Le Livre d’Image. Les producteurs Fabrice Aragno et Mitra Farahani sont montés sur scène en l’absence du cinéaste et père fondateur de la Nouvelle Vague.
De son côté, la Camera d’Or a été remis à Girl de Lukas Dhont, sélectionné dans la section parallèle Un Certain Regard. Ce portrait d’une jeune fille de quinze ans qui rêve d’être une ballerine a remporté trois autres prix. Celui de la meilleure performance pour Victor Polster, la Queer Palm du meilleur film LGBT et le FIPRESCI de la critique internationale du premier film.
Le Mise en Scène est revenu au cinéaste de Ida, Pawel Pawlikowski pour Cold War. Un drame en noir et blanc qui conte l’histoire d’amour impossible de deux êtres entre la Pologne communiste d’après-guerre et le Paris bohème des années 1950 et 1960. Quant au prix du meilleur scénario, il s’est partagé entre la cinéaste italienne Alice Rohrwacher pour Heureux comme Lazarro et Jafar Panahi, toujours assigné à résidence à Téhéran, et Nader Saeivar pour Trois Visages.
Cette année, vingt-et-un longs métrages prétendaient à la Palme d’or dont quatre français, repartis bredouilles. On regrette plusieurs absents au palmarès, comme L’été du Russe Kirill Serebrennikov, qui a raflé le prix Cannes Soundtrack de la meilleure musique de film, ou encore Burning du Coréen Lee Chang-dong, gagnant du prix FIPRESCI de la critique internationale pour la compétition officielle.
Parmi les grands moments de cette 71e édition, on retiendra les Quatre-vingt deux femmes en action sur les marches du Palais des Festivals pour une plus grande parité dans le septième art. Les cinquante ans de 2001 – L’odyssée de l’Espace (1968), projeté en copie neuve 70mm et présenté par Christopher Nolan, avec à ses côtés Keir Dullea et la fille de Stanley Kubrick. D’autres bons films, comme l’expérience Climax de Gaspar Noé, lauréat du Art Cinéma Award à la Quinzaine des Réalisateurs, et le délirant Le Monde est à toi de Romain Gavras. Et enfin le retour en grande pompe de Terry Gilliam avec L’Homme qui tua Don Quichotte, projeté en clôture du Festival.
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